Tolix ou l'histoire d'une renaissance industrielle
Chantal Andriot pilote depuis quinze ans Tolix, l'entreprise centenaire à l'origine de la célèbre chaise A. Elle a su sauver la PME de la liquidation judiciaire grâce à de nouvelles gammes plus modernes et à des investissements industriels.
Je m'abonnePetite-fille d'un sabotier, épouse d'un éleveur de vaches charolaises... certains diraient que rien ne prédestinait particulièrement Chantal Andriot à devenir l'avisée capitaine d'une entreprise industrielle centenaire labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV).
Rien si ce n'est sa passion pour le dessin. Rien si ce n'est son sens aiguisé du design. Rien si ce n'est son refus, face à la liquidation judiciaire en 2004, de laisser disparaitre Tolix, une entreprise au sein de laquelle elle a fait toute sa carrière. " Je gérais les services financiers et les ressources humaines de l'entreprise depuis les années 70. Elle possédait un vrai savoir-faire et il était impensable d'abandonner cette belle manufacture ", se souvient-elle.
La dirigeante a déposé son offre de reprise incluant 20 salariés au Tribunal de Commerce, a écrit aux clients pour les convaincre de continuer à la suivre et s'est remonté les manches pour donner un nouvel élan à la PME bourguignonne. Tous ces petits riens ont finalement offert une nouvelle vie à Tolix, à l'origine de la fameuse chaise A. Une chaise en métal créée en 1935, à partir de la technique de l'emboutissage, par l'artisan à l'origine de la marque : Xavier Pauchard.
Légère, solide et empilable, elle est devenue au fil des décennies un mobilier iconique, symbole des terrasses de café à la française. A tel point qu'elle a été retenue pour l'exposition universelle de Paris et a même été embarquée à bord du paquebot Normandie au début des années 30 pour sa Transatlantique.
Iconique
Depuis, cette chaise A est fabriquée à des centaines de milliers d'exemplaires pendant des décennies. Elle équipe des bureaux, des jardins publics, des hôpitaux, des stations thermales, des terrasses de café et de restaurants mais aussi, depuis les années 80, des espaces particuliers (chambres, salons etc.). Elle est aujourd'hui disponible dans une quarantaine de coloris et s'affiche toujours comme le fleuron de l'entreprise. Pourtant, elle n'est plus dans les best-sellers des ventes de la PME. " Nous en vendons encore aux amateurs et aux puristes mais elle ne représente plus un volume de ventes très conséquent ", confirme Chantal Andriot.
Il faut dire que Tolix compte désormais dans son catalogue des dizaines de pièces de mobilier. Tables, fauteuils, armoires, porte-parapluie, étagères, consoles... la plupart baptisées d'une lettre et d'un numéro, dans la tradition initiée par Xavier Pauchard au début du siècle dernier. Toutes s'affichent également sur un niveau de qualité et de finition haut de gamme, pour résister aux agressions climatiques. La chaise A, annoncée à 237 euros sur le site de l'entreprise, nécessite par exemple plus d'une centaine d'opérations pour sa fabrication.
Tolix compte aujourd'hui 60 salariés. C'est un peu moins qu'il y a deux ans, - la faute à la crise des Gilets Jaunes puis à la Covid-19 -, mais c'est trois fois plus que lors de la reprise, il y a 16 ans, par Chantal Andriot. L'ex-comptable a su insuffler une nouvelle jeunesse à la PME d'Autun. D'abord en lui donnant un nouvel élan créatif. " En 2004, Tolix n'est plus en phase avec la demande. Il faut alors revoir notre mobilier ", partage la dirigeante. Elle s'y attelle, alliant son expertise financière à sa sensibilité créative. " Je choisis de travailler sur le mobilier pour le rendre plus féminin, plus fin, plus attractif et pour lui permettre d'entrer dans toutes les pièces de la maison. "
Chantal Andriot amène notamment l'idée de la tôle perforée et démultiplie les possibilités du nuancier. " Les couleurs, c'est ma passion, sourit-elle. Tous les ans, je vais par exemple au Conservatoire des ocres de Roussillon pour me tenir au courant. " Elle y suit même une formation en 2010, bien loin de ses études de comptabilité.
Sous son impulsion, Tolix noue des partenariats avec des designers dans le monde entier. Cette année, c'est à la Française Pauline Deltour d'être sélectionnée, pour la collection Patio. " Nous conservons l'esprit de Tolix dans tous nos modèles mais nous les modernisons et nous lançons de nouvelles gammes aux lignes plus contemporaines. " Un positionnement qui séduit, en France comme à l'étranger avec 50 % du chiffre d'affaires réalisé à l'international. " Les États-Unis, les pays scandinaves, l'Asie sont très friands de nos produits 100% made in France ", assure l'entrepreneure, précisant néanmoins que cette année 2020 marque un coup de frein à l'export du fait du contexte sanitaire. Ses clients : des architectes, des hôtels, des restaurants, des boutiques haut-de-gamme.
Recyclage
En parallèle du renouvellement de l'offre, Chantal Andriot choisit, en 2012, d'investir dans l'outil industriel. Soit 6 millions d'euros au total pour un nouveau site, à quelques encablures de l'usine historique. " Nos locaux sont devenus trop étroits et ne sont plus adaptés aux normes environnementales. De plus, il a fallu financer de nouveaux moyens de production pour concevoir les modèles plus récents. "
Le nouveau site a également permis à Tolix d'avancer en matière de compétitivité grâce au lean manufacturing piloté par Aurélie Andriot (la fille de Chantal Andriot) et en matière de développement durable. 98% de ses déchets de production sont en effet recyclés. La chaleur des ateliers de production est récupérée pour les bureaux et l'entreprise poursuit ses investigations pour réduire son empreinte carbone. " Nous travaillons sur les emballages. A terme, nous ne voulons plus de dérivés de pétrole. Au fur et à mesure du renouvellement de nos gammes, nous agissons sur ce levier. Toutes les équipes sont très sensibilisées à ce sujet depuis 2012. " Plus que jamais, Chantal Andriot reste convaincue de l'impérieuse nécessité de maintenir Tolix dans une perspective visionnaire.
Fabrication de meubles design
Autan (Saône-et-Loire)
Chantal Andriot, présidente, 65 ans
SAS > Reprise en 2004 > 60 salariés
CA 2020 NC