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Ethiquable : "Le commerce équitable remet l'être humain et son travail au centre des valeurs"

Publié par le | Mis à jour le
Ethiquable : 'Le commerce équitable remet l'être humain et son travail au centre des valeurs'

Dans le livre "Une entreprise responsable et rentable, c'est possible", les deux auteurs, Claire-Agnès Gueutin et Benjamin Zimmer, dévoilent les entretiens de 18 dirigeants qui contribuent à un nouveau modèle économique. Voici celui de Rémi Roux, co-fondateur et gérant de Ethiquable.

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Ethiquable est une société coopérative et participative (Scop) que j'ai créée avec Stéphane Comar, économiste du développement et Christophe Eberhart, agronome spécialiste du café équitable. La mission d'Ethiquable est le développement du commerce équitable.

La mission d'Ethiquable

Toute notre activité est dédiée au commerce équitable et au soutien à l'agriculture paysanne bio. Nous achetons à un prix juste des produits alimentaires à des groupements de producteurs, des coopératives, qui assurent que les producteurs reçoivent une rémunération juste.

Nous importons ces produits et les distribuons en France, en Allemagne, en Belgique et en Espagne dans la grande distribution ou en direct. Nous soutenons aussi financièrement les installations des coopératives et des petits producteurs. Par exemple, en 2018, nous avons investi dans une sucrerie au Pérou. Ethiquable est une marque transversale de produits alimentaires. Nous avons commencé avec une quinzaine de produits : cinq jus de fruits, cinq thés, un café, du sucre complet et du riz.

Maintenant, notre catalogue comprend plus de 200 produits. En 2019, nous avons vendu 25 millions de produits. Nous développons aussi le commerce équitable en France avec notre gamme « Paysans d'ici » depuis 2011. En moyenne, sur les 31 produits proposés, la moitié du prix payé par le consommateur revient au groupement de producteurs français. Il a fallu attendre 2014 pour que la loi relative à l'ESS étende l'utilisation des termes « commerce équitable » à la France. Nous avons alors participé à l'élaboration de la charte nationale du commerce équitable local. Notre dernier projet est la création d'une chocolaterie à Fleurance, dans le Gers. La production sera alors relocalisée en France dans un village de 6 800 habitants. Ce sera la seule chocolaterie entièrement dédiée au commerce équitable et au bio dans le monde. Pour la petite histoire, la rue du village qui mène à l'usine a été rebaptisée « Allée du commerce équitable ».

Les externalités du commerce équitable

La première externalité positive de notre activité est l'amélioration des conditions de vie de 48 000 familles de producteurs dans le monde. À la fin de mes études, je suis allé au Mali, rendre visite à Stéphane et Christophe, qui travaillaient dans une ONG de développement. En sortant de l'aéroport, j'avais remarqué un énorme tas de machines rouillées. Une ONG avait offert des bulldozers sans transmettre le savoir qui va avec. Cela partait d'un très bon sentiment, mais ce n'était pas efficace. J'ai compris rapidement la différence entre l'humanitaire et le développement. L'humanitaire, c'est l'aide d'urgence. Le développement, c'est apprendre aux populations à faire elles-mêmes.

Le commerce équitable remet l'être humain et son travail au centre des valeurs.


Tous nos produits sont sélectionnés sur le terrain avec une attention particulière aux modes de culture. Pour nous, le commerce équitable est obligatoirement lié à l'agriculture paysanne, biologique, sans produits chimiques. L'agriculture intensive ne nourrit que 28 % de la planète. Je ne sais pas pourquoi on parle d'agriculture « normale » pour désigner ce mode de culture. Il n'y a rien de normal dans une agriculture intensive. L'agriculture a plus de 10 000 ans d'histoire.

L'accident a eu lieu dans les années 40 avec le développement de l'agriculture intensive pour nourrir les gens très vite au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. Maintenant, l'agriculture représente un tiers du réchauffement climatique.

Pourtant, nous apportons quotidiennement la preuve que les récoltes sont bien meilleures quand on prend soin du biosystème. Un exemple : la production de café des coopératives bio au Honduras est cette année 15 % au-dessus de la moyenne nationale de production de café.

Je me souviendrai toujours de ma visite de plantation de cacao au Pérou. On marchait dans une forêt dense et à un moment, j'ai demandé à l'exploitant : « Elle est encore loin votre exploitation ? » Et il m'a répondu : « Mais vous êtes dedans ! » Avec mes préjugés, je m'attendais à une plantation avec des arbres bien alignés en plein soleil. J'ai alors découvert l'agroforesterie.

C'est l'équivalent de la permaculture pour une forêt. Certes, nos produits viennent de l'autre bout du monde. Mais le café ne pousse toujours pas en Bretagne ! Notre transport se fait en cargo porte-conteneurs. Ce mode de transport ne représente que 10 % de nos émissions de gaz à effet de serre pour 10 000 km en moyenne. Le plus gros de nos émissions vient du transport en France parce qu'il est réalisé en camion pour 500 km en moyenne. Nous avons essayé le ferroutage qui pourrait améliorer ce chiffre, mais les obstacles ne pourront être levés qu'avec une décision politique forte de le développer.

Même en venant de loin, notre sucre complet bio pollue moins que le sucre blanc fabriqué en France.

Un sucre français provient de l'agriculture intensive de la betterave qui utilise des produits chimiques. Il est ensuite chauffé à très haute température pour enlever les impuretés et devenir tout blanc. Notre sucre complet provient d'une canne à sucre coupée à la main, broyée et mélangée à de l'eau. Ce jus de canne est ensuite chauffé pour récupérer le sucre après évaporation. Il est plein d'oligo-éléments alors que le sucre blanc n'a aucun intérêt nutritionnel.

L'agriculture paysanne permet de maintenir l'écologie

Les agriculteurs sont prêts à passer au bio, mais ils ont besoin qu'on les accompagne dans leur transition.

Le modèle économique rentable

Notre activité a grandi avec la prise de conscience des consommateurs. La grande distribution a compris que les consommateurs demandaient des produits bio. Dès 2004, Michel-Édouard Leclerc a décidé de mettre en valeur le commerce équitable. Il a référencé Alter Eco et cherchait d'autres noms de commerce équitable. C'est comme ça que Ethiquable a pu changer d'échelle. Les autres grandes enseignes ont suivi parce qu'elles ne voulaient pas passer à côté de la demande des consommateurs. Quand une majorité des consommateurs demandera du bio, l'agriculture biologique deviendra enfin la norme.

Malheureusement, ce sont souvent les catastrophes et les scandales qui accélèrent le mouvement. Le scandale de la viande de cheval, par exemple, a changé beaucoup de choses dans le bio. On note alors un pic de la demande de produits bio, puis cela se tasse mais sans jamais revenir à un niveau inférieur au niveau avant le scandale. Depuis 2014, la Scop est bénéficiaire. Une partie des bénéfices est utilisée pour soutenir les installations industrielles des coopératives et des producteurs. Le reste est mis pour moitié en réserve et pour l'autre moitié redistribué aux salariés sous forme de participations bloquées pendant 5 ans.

La Scop

À la création de la société, la découverte de la Scop a été le déclic. Cette forme juridique correspond exactement à ce qu'on cherchait. Le principe est simple : le salarié est propriétaire de son entreprise, donc décisionnaire. Tous les salariés deviennent sociétaires au bout de deux ans. Ils cotisent 3 % de leur salaire au capital de la Scop. S'ils quittent la société, ils repartent avec cette cotisation. Le principal avantage d'une Scop, c'est qu'elle ne peut pas être vendue. Tous nos concurrents ont été achetés par un grand groupe, nous sommes restés indépendants. Le capital ne peut pas appartenir à quelqu'un extérieur à l'entreprise. Nos investisseurs détiennent des titres participatifs, c'est comme des obligations non convertibles bloquées pendant 7 ans. La gouvernance d'une Scop est limpide : un sociétaire = une voix. La direction est élue tous les trois ans.

Les salaires comme la répartition du résultat sont votés tous les ans en assemblée générale par l'ensemble des salariés. Le salaire le plus élevé ne dépasse pas 4 fois le salaire le plus faible, alors que les standards de l'Esus peuvent aller jusqu'à 7 fois le salaire le plus bas. Un jour, un journaliste m'a demandé : « Maintenant que votre société est un succès, vous allez transformer votre Scop en société normale ? » Mais c'est la Scop la normalité ! En quoi est-ce normal qu'une entreprise appartienne à des financiers ? Pour nous, une entreprise normale, c'est justement une entreprise qui appartient à ses salariés.

Une Scop dissocie la réussite de l'entreprise et la réussite financière

Dans notre vision, réussir sa vie n'est pas amasser du profit. L'argent n'est qu'un outil d'échange. Les financiers ne devraient pas diriger notre planète. De mon point de vue, un boulanger est beaucoup plus important qu'un financier. Ne penser qu'au profit, c'est penser à court terme. Si pour augmenter le profit, on délocalise une entreprise et on sacrifie 200 emplois, c'est un non-sens absolu. Quand on réfléchit à la planète, on réfléchit à 50 ans

Pour en savoir plus


Le livre "Une entreprise responsable et rentable, c'est possible" . Voir le site pour en savoir plus.


 
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