La PME Mulot et Petitjean gagne bien son pain
Dijon, capitale du pain d'épices, ne compte plus qu'un seul fabricant de ce gâteau séculaire : Mulot et Petitjean. La PME perpétue le savoir-faire familial depuis plus de 200 ans. Après avoir modernisé ses gammes, la dirigeante Catherine Petitjean se lance aujourd'hui à l'export.
Je m'abonneAu même titre que la moutarde, les escargots ou encore le cassis, le pain d'épices, gâteau au savant mariage de farine, de miel, d'épices et de jaunes d'oeuf, représente l'un des emblèmes de la gastronomie dijonnaise. Pourtant, de la dizaine de producteurs de la ville au début du XIXe siècle, il ne reste plus qu'un survivant aujourd'hui : Pains d'épices Mulot et Petitjean. À sa tête, Catherine Petitjean, 53 ans, veille au grain sur le savoir-faire hérité d'une lignée de huit générations de maîtres pain d'épiciers bourguignons. Si une partie de la fabrication demeure encore artisanale, Mulot et Petitjean c'est tout de même une PME d'une quarantaine de collaborateurs qui produit, chaque année, pas moins de 470 tonnes de pain d'épices. De quoi générer un chiffre d'affaires de 4,2 M€ en 2013.
Faire front aux guerres...
En plein centre-ville, abritée au rez-de-chaussée d'un vieil édifice à colombages de style néogothique, la boutique Mulot et Petitjean a fière allure malgré son grand âge. Son pain d'épices, elle le commercialise depuis 1805, date à laquelle Barnabé Boittier, à la tête de la Maison Boittier, y transfère son activité. Car Mulot et Petitjean est issue de deux institutions du pain d'épices dijonnais : la Maison Boittier, créée en 1796, et la Maison Céry, fondée en 1831. PME rachetées respectivement par Louis Mulot et Alfred Petitjean au cours du XIXe siècle. C'est en 1901 que naît Pains d'épices Mulot et Petitjean, suite à l'union des deux familles via un mariage arrangé. À l'époque, le pain d'épices est un produit essentiellement revendu à des épiciers locaux ou lors de grandes foires régionales. " On fabriquait le pain d'épices dans la cave du magasin, tout comme les boulangers. Le pain d'épices était alors plutôt considéré comme un aliment nourrissant, et non comme une pâtisserie ", raconte l'actuelle présidente du directoire.
Jusqu'à la Première guerre mondiale, le secteur fait florès et emploie jusqu'à 300 personnes à Dijon. En 1912, l'entreprise compte à elle seule 75 salariés. Si bien que l'activité de production est déménagée dans une usine de la ville. Mulot & Petitjean, à l'instar de toutes les fabriques du secteur, traverse difficilement les deux guerres mondiales. La fin de la belle époque sonne. Les licenciements s'enchaînent. " La société a dû se débrouiller avec les moyens du bord. Avec les rationnements en chaîne, elle a été forcée d'adapter les recettes avec d'autres ingrédients comme la farine de riz ou le sucre de raisin, souvent au détriment du goût ", reconnaît Catherine Petitjean.
Si bien qu'au sortir de la Seconde guerre mondiale, l'entreprise pâtit d'une image ternie et d'une piètre santé financière. Autres coups durs : l'arrivée sur le marché de confiseries américaines très prisées des consommateurs français et la percée d'industriels dans le secteur. Alors que la plupart des maîtres pain d'épiciers rationalisent leurs procédés de fabrication, Louis Petitjean, grand-père de l'actuelle dirigeante, qui reprend l'affaire en 1947, fait le pari de la préservation des savoir-faire ancestraux comme atout différenciant sur la durée. " La société a vivoté pendant plusieurs années, mais a tenu bon. " Il faut en effet attendre le début des années soixante pour renouer avec les premiers bénéfices d'après-guerre, tandis que les principaux concurrents ferment boutique tour à tour. Une situation qui profite à Mulot et Petitjean, qui rachète en 1969 la Maison Auger, spécialisée dans le pain d'épices aromatisé à l'orange.
Croissance externe et diversification
Le véritable renouveau intervient vers le début des années 90, avec le retour de la mode du sucré-salé. De grands chefs, tels que l'étoilé Bernard Loiseau, se réapproprient ce met passé en désuétude en le réintroduisant dans leurs plats. Une tendance sur laquelle va surfer Catherine Petitjean lorsqu'elle prend la tête de l'entreprise en 1998. À l'époque, la société compte une quarantaine de salariés et réalise un chiffre d'affaires d'un peu plus de 2 M€. Son objectif : redonner un nouveau souffle à Mulot et Petitjean. La nouvelle dirigeante mise alors sur l'innovation et l'élargissement de ses gammes en développant notamment la production des nonnettes, ces petits pains d'épices fourrés à la confiture d'orange, d'abricot ou encore de cassis.
Afin de diversifier ses sources de revenus, elle finalise deux belles opérations de croissance externe en rachetant le confiseur Michelin en 2003 puis le salon de thé La Rose de Vergy. Aujourd'hui, les 150 références de produits estampillés Mulot et Petitjean bénéficient d'une distribution au-delà des quatre magasins en propre de l'enseigne, répartis entre Dijon et Beaune. Si la PME génère, grâce à eux, 35 à 40 % de son chiffre d'affaires, elle commercialise toute l'année son pain d'épices à travers de grandes enseignes de la distribution de la région. Ce qui représente environ 30 % des revenus de la société. Le reste provenant de la restauration, du réseau d'épiceries fines et des ventes générées par le site internet créé en 2011.
Soucieuse de préserver son image d'entreprise du terroir, elle s'investit auprès d'autres PME de la région dans l'association d'entrepreneurs Vive la Bourgogne, destinée à promouvoir les produits et les savoir-faire régionaux. Elle ouvre par ailleurs régulièrement les portes de la fabrique et de l'arrière de son échoppe pour valoriser l'héritage bicentenaire de Mulot et Petitjean. Symbole de cette volonté, la réédition de vieilles boîtes collector en métal, lancée pour les fêtes de fin d'année.
Si elle préserve les traditions familiales, Catherine Petitjean est une entrepreneure tournée vers l'avenir. En ligne de mire, la future rénovation du site de production, voire son déménagement sur un lieu plus adapté aux nouveaux défis de la société. Parmi lesquels son internationalisation. Depuis avril 2013, Mulot et Petitjean mutualise, avec trois autres entreprises, le coût d'un volontaire international à l'étranger (VIE) en Chine. Et après ? Aucune des quatre filles de la présidente, âgées de 18 à 26 ans, n'a manifesté d'intérêt pour une potentielle reprise. Si la dirigeante reconnaît que " c'est la grosse question du moment ", pas de quoi en faire tout un plat. " Mon projet d'entreprise, c'est maintenant que je le construis grâce une équipe dynamique et efficace. Pour la transmission, nous avons encore le temps de penser à tout cela. " La dirigeante l'assure, elle a encore du pain sur la planche.
Pour valoriser Pains d'épices Mulot et Petitjean, sa dirigeante, Catherine Petitjean, mise sur la proximité avec ses clients grâce au tourisme industriel. Une à deux fois par an sont ainsi organisées des portes ouvertes de l'usine. La dirigeante a par ailleurs rénové l'arrière du magasin principal pour accueillir des groupes de visiteurs désireux de découvrir l'histoire de la société tout en profitant de dégustations privées. " Ces visites sont particulièrement prisées des touristes étrangers ", note Catherine Petitjean.
... À la promotion du patrimoine gastronomique régional
Créée en 2006 par 23 entreprises, l'association Vive la Bourgogne a pour objectif de promouvoir les produits typiques de la région et le savoir-faire artisanal local. Les entreprises mutualisent ainsi leurs opérations de communication, notamment pour la participation à des salons en France et à l'export. " Je participe ainsi à plusieurs salons touristiques ou export chaque année à moindre coût. Une autre manière de faire parler de nous ", assure la dirigeante, Catherine Petitjean.
Pains d'épices Mulot et Petitjean
Activité : Fabrication de pains d'épices
Ville : Dijon (Côte-d'Or)
Forme juridique : SA à directoire
Dirigeants : Catherine Petitjean, 53 ans, Albert Petitjean, 84 ans
Année de création : 1901
Année de reprise : 1998
Effectif : 49 salariés
CA 2013 : 4,2 M€