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Se RECONSTRUIRE après un DEPOT DE BILAN

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Alors que la culture anglo-saxonne considère l'échec comme une opportunité de réussite future, en France, il est difficile de se relever après un dépôt de bilan. Témoignages de patrons qui ont connu la pire des tourmentes.

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«Je veux donner du courage à ceux qui sont dans la détresse. Le dépôt de bilan est un échec dont il faut savoir tirer les enseignements pour avancer.» Hier aux commandes d'un salon sur l'art de vivre, Jacqueline Dubernet, 59 ans, dirige aujourd'hui une société de production de concerts classiques. Son rebond, elle le doit à une association, Re-créer (www.re-creer. com), qui accompagne des entrepreneurs franciliens en difficulté. Elle y a rencontré des dirigeants qui, comme elle, ont connu l'"humiliation» du dépôt de bilan. «Pour se relever, témoigne-t-elle, il faut être entouré, écouté, et parvenir à dédramatiser la situation.» Pour Thierry Jallon, animateur des ateliers Re-créer et auteur d'un ouvrage sur le rebond du dirigeant malchanceux (lire notre encadré ci-contre), la renaissance après la crise s'opère en sept étapes. «Le chef d'entreprise va commencer par dresser l'inventaire des pertes - morales et financières - induites par le dépôt de bilan.» L'association Re-créer l'aide alors à trouver des astuces pour étaler le paiement de ses dettes et bâtit, avec lui, un plan à long terme «qui va lui laisser le temps de se reconstruire personnellement». Car après avoir mis la clé sous la porte, l'entrepreneur est souvent sur la paille. «On se sent presque SDF», lance Pascal, ex-créateur «déchu». Ce jeune scientifique a dû céder son brevet pour éponger ses dettes, puis accepter un poste de chef de produit dans un groupe pharmaceutique pour faire vivre sa famille. «Le statut de salarié est confortable, mais je n'ai pas renoncé à créer mon affaire», confie-t-il avant d'avouer «avoir, d'ores et déjà, quelques projets en tête». Car le passage du statut de dirigeant à celui de salarié est souvent mal vécu. Moins de responsabilités, moins d'autonomie, moins d'implication dans les décisions stratégiques... «Quand on a goûté au pouvoir, il est difficile de faire machine arrière», résume Didier Lavergne, associé chez PricewaterhouseCoopers Amiens. David Réard fait partie de ces «patrons dans l'âme», qui ne renoncent pas facilement à la griserie d'entreprendre. Ancien dirigeant d'un chantier naval placé en liquidation judiciaire en 2003, puis salarié dans la société d'un ancien client, il a finalement choisi de repartir de zéro en se concentrant sur ce qui est, chez lui, un talent et une passion: dessiner des plans de bateaux. En 2005, l'entrepreneur crée donc un site web (vvww.davidreard.com) dédié aux bateaux de plaisance. Il recontacte ses anciens clients - des particuliers fortunés - et recrée, finalement, une SARL, Le Bateau Custom, en décembre 2006. Extrêmement marqué par les difficultés humaines et le plan de licenciements qui ont précédé la liquidation de son ancienne affaire, il a revu ses ambitions à la baisse: «Je me contente d'une structure très légère.» Un choix qui lui permet également de mieux se consacrer à sa famille.

AVIS D'EXPERT
Heureusement, on ne jette plus la pierre aux dirigeants qui ont échoué
HENRI CHRIQUI, administrateur judiciaire à Paris

«Pendant des années, déplore Henri Chriqui, administrateur judiciaire à Paris, on a estimé que le dirigeant qui avait mis la clé sous la porte avait «failli» à ses responsabilités. Il était donc lourdement sanctionné pour ce que l'on considérait alors comme une «faute». Fort heureusement, les mentalités sont en train d'évoluer.» La nouvelle loi de sauvegarde des entreprises, votée en 2005 et entrée en vigueur le 1er janvier 2006, a considérablement réduit les sanctions commerciales et professionnelles infligées à ces entrepreneurs malheureux: l'interdiction de gérer n'a plus de durée minimum et ne peut plus excéder quinze ans. Une avancée dont se félicite Henri Chriqui: «Un pas a été franchi. Désormais, le droit à l'erreur et au rebond existe.»

Maintenir son réseau. Si David Réard a, ainsi, pu rebondir, c'est aussi parce qu'il a su garder le contact avec son réseau. Ingénieur mécanique de formation, il possède des compétences connues et reconnues dans le milieu. C'est d'ailleurs un ancien client qui lui a proposé un emploi dès le lendemain de la liquidation de son entreprise, puis d'autres qui l'ont aidé à redémarrer en lui achetant des plans de bateaux. «D'une façon générale, analyse-t-il a posteriori, l'une des clés est de lutter contre l'isolement.» Un avis que partage Thierry Jallon, de l'association Re-Créer. Dans le cadre des ateliers qu'il anime, l'accompagnateur constate qu'«en réunissant des dirigeants présentant des profils différents, on par vient à faire en sorte que chacun se nourrisse de l'expérience d'autrui». Une autre solution est de rejoindre une session de formation professionnelle. Non seulement le chef d'entreprise acquiert de nouvelles compétences, mais ce temps de formation, propice à la réflexion, lui permet de reprendre des forces morales. «Dans tous les cas, martèle Thierry Jallon, il faut maintenir son réseau relationnel.» Laurent Urien n'a que 35 ans mais déjà quatre entreprises à son actif. En 2003, il voit péricliter sa troisième société, une start-up de services pour les clients des grandes compagnies d'assurances. Mais le jeune homme n'est pas du genre à jeter à l'éponge. Fort d'un carnet d'adresses bien rempli, dans l'univers de l'assurance, il décide de se lancer comme consultant auprès des compagnies. Aujourd'hui, chef d'entreprise dans l'âme, il rêve de racheter une PME et de la développer à l'international. Le virus ne l'a jamais lâché...

AVIS D'EXPERT
Le dirigeant doit rester dans la course
SYLVIE SANCHEZ-FORSANS, psychologue du travail, responsable du Capap Centre d'applications psychologiques et d'accompagnement professionnel à Lyon

Une cessation d'activité est toujours suivie d'une période de deuil. Selon Sylvie Sanchez-Forsans, «pendant un laps de temps de trois à six mois, le chef d'entreprise passe du déni à la colère, puis à la tristesse, pour revenir à la colère et, finalement, entrer en phase d'acceptation». Un cheminement douloureux. C'est pourquoi la psychologue du travail recommande aux personnes qui connaissent ce genre de crise de se faire aider. Cet accompagnement peut être individuel, effectué par un thérapeute ou un coach, ou bien collectif, via des ateliers comme ceux de l'Apec, qui organise notamment des bilans de compétence et d'orientation individualisés. «Il va permettre à la personne de tirer les leçons de son expérience et de rebondir en formulant un nouveau projet. Dans tous les cas, précise la psychologue, ce travail doit intervenir le plus tôt possible, dans les six mois qui suivent le dépôt de bilan. Cela permet au sujet de rester dans l'action, de changer de posture à la faveur d'une formation et de conserver ses réseaux professionnels intacts.»

A LIRE

- ACCOMPAGNER LE CHEF D'ENTREPRISE EN DIFFICULTE: DE LA PREVENTION AU REBOND par A. Bricard, E. Lacroix-Philips, T. Legrain, M. Morin, C.Chevillon etJ.Varoclier. Editions Litec Lexis-Nexis, 2006, 263 pages, 35 euros. Entre prévention et rebond, cet ouvrage collectif accompagne le chef d'entreprise en lui apportant des outils de diagnostic et les différentes solutions envisageables pour dépasser la crise.


- 7 ETAPES POUR REBONDIR APRES UNE CRISE par Thierry Jallon.Editions Liaisons, 2006, 292 pages, 27euros. L'ouvrage présente les étapes pour aider le dirigeant à se reconstruire et les témoignages de chefs d'entreprises participant à l'atelier «Rebondir ensemble», organisé par l'association Re-créer.

 
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Véronique Méot

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