Recherche
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

PATRONS DE BANLIEUES, et fiers de l'être!

Publié par le

Les quartiers dits difficiles ne sont pas seulement synonymes de violences. Les entrepreneurs aussi y ont leur place, et parfois les réussites y sont éclatantes.

Je m'abonne
  • Imprimer

Des taxis-brousse à Mantes-la-Jolie, un réseau de services à domicile dans le 93, un organisme de formation à Trappes... Les banlieues françaises n'ont pas de pétrole mais regorgent d'idées. Pourquoi des entrepreneurs «sensés» se risquent-ils dans des quar tiers «chauds», plus habitués à faire - sinistrement - la Une du 20 heures qu'à être cités dans les rubriques économiques de la presse nationale? «D'abord, parce qu'ils en viennent, répond simplement Majid El Jarroudi, auteur d'un rapport sur 1 entrepreneunat dans les banlieues.

Le désir d'entreprendre est très fort dans les quartiers. C'est en quelque sorte l'enfant illégitime du chômage et de la discrimination.» Malamine Koné, de Saint-Denis, s'est lancé en démarchant des magasins de sport après avoir imprimé son emblème - la panthère - sur cinq sweat-shirts. Par chance, il a réussi à séduire l'une de ces boutiques qui lui a commandé cinq, puis vingt, puis cinquante maillots qui se vendaient en une journée. Il monte finalement son affaire en 1999 sous la marque Airness. Aujourd'hui, la griffe de vêtements de sport à la panthère noire génère une centaine de millions d'euros de chiffre d'affaires. Pas mal pour un enfant de la périphérie de Saint-Denis, débarqué du Mali à l'âge de dix ans sans maîtriser un mot de français.

@ JEAN-LOUIS BOUZOU/FOTOLIA/LD

Des «mines d'or». Pour mettre l'accent sur ces «success stories», le Sénat a créé le prix «Talent des cités», récompensant les pépites des zones déshéritées. Depuis son lancement en 2002, ce «label» a déjà couronné 181 jeunes créateurs d'entreprise ou porteurs de projets, endossant ainsi le rôle d'ambassadeurs de la réussite et d'exemples à suivre. Des taxiphones à la mode «ethnique» en passant par l'assistance aux démarches administratives, la plupart des idées répondent à un besoin propre aux secteurs concernés. Ce qui prouve que certains marchés sont encore en friche dans ces zones réputées sinistrées. «Il y a dans les quartiers de véritables mines d'or inexploitées», souligne Hervé Azoulay, coauteur de L'Intelligence des banlieues (voir encadré «A lire»), un ouvrage qui plaide pour le développement de réseaux économiques dans les cités. Franck Sodoyer est lauréat de la première promotion de «Talents des cités». Avec une formation d'infirmier et un DEA de sociologie, rien ne le prédestinait à devenir chef d'entreprise. Pourtant, en créant en 1998 une association de services d'aide à la personne au Raincy (Seine-Saint-Denis), Franck Sodoyer posait la première pierre de Confiance Services, une société créée en 2001, puis de Tout à Dom Services, créée en 2005. «C'est en observant la vie de mon quartier que je me suis rendu compte de la nécessité de mettre en place des prestations pour faciliter le quotidien, retrace-t-il. A l'époque, les services à la personne étaient loin de connaître le succès d'aujourd'hui et personne ne comprenait qu'un bac +5 veuille vendre du ménage!» Aujourd'hui, le jeune patron de 36 ans est à la tête d'un réseau de treize sociétés franchisées, qui a généré 2,3 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2006. Franck Sodoyer n'est pas pour autant devenu un patron comme les autres. Au lieu d'indexer la redevance de ses franchisés sur leur chiffre d'affaires, il leur prélève un montant forfaitaire qui augmente - modérément - par palier. Une manière de favoriser leur développement et de les inciter à créer de l'emploi. Une vision atypique qui n'est pas vraiment du goût de ses banquiers, mais le patron à la fibre sociale n'en a cure!

TEMOIGNAGE
Entre deux CV qui se valent, je choisis le candidat qui est «le plus dans la panade»

AZIZ SENNI, président du conseil de surveillance d'ATA

A chaque fois que les médias veulent illustrer une «success story» des quartiers, Aziz Senni n'est pas loin des caméras et des micros. Médiatique créateur d'une entreprise de taxis collectifs, il est surtout un infatigable promoteur des talents des cités. La saga de ce self-made-man de Mantes-la-Jolie, une banlieue sensible des Yvelines, débute en 1997. Un BTS de transport et logistique en poche, Aziz Senni met en route sa stratégie pour prendre l'ascenseur social. Pendant deux ans, ce jeune Franco-marocain, aîné d'une famille ouvrière de six enfants, travaille entre 15 et 18 heures par jour en tant que directeur technique d'une PME de transport d'une part, et logisticien dans une filiale de La Poste, d'autre part. Cela pour gagner «deux fois plus d'expérience et deux fois plus d'argent». En février 2000, il crée ATA, le premier «taxi collectif d'Ile-de-France. Un concept original inspiré de Scandinavie et d'Afrique (le taxi-brousse). «J'ai inventé le chaînon manquant entre le bus et le taxi», s'enorgueillit le jeune patron, dont le slogan publicitaire -»Plus rapide qu'un bus, moins cher qu'un taxi!«-ne passera pas inaperçu.
Passer inaperçu n'est d'ailleurs pas dans le style du jeune »beur«, qui garde les pieds sur terre: «Quitte à faire partie de la minorité visible, autant ne pas raser les murs!» Patron engagé, Aziz Senni pratique la discrimination positive à sa façon: «Face à deux CV qui se valent, je préfère choisir le postulant qui est le plus»dans la panade«.» Un militantisme qui n'empêche pas ce chef d'entreprise de garder raison, lui qui a su gérer la croissance de sa boîte jusqu'à ce qu'elle atteigne aujourd'hui son rythme de croisière. Tant et si bien qu'Aziz Senni n'y consacre plus que 80 heures par mois, laissant la gestion du quotidien à son directeur général. Le fringant patron n'en chôme pas pour autant. A 31 ans, il a déjà publié son autobiographie (L'ascenseur social est en panne... J'ai pris l'escalier), créé un réseau d'aide aux jeunes entrepreneurs («Jeunes entrepreneurs de France») et cofondé le Bac (Business Angels des cités), un fonds d'investissement destiné aux entrepreneurs des quartiers, qui bénéficie du soutien actif de quelques figures du CAC 40.


A.T.A. >> Repères


- ACTIVITE: Taxis collectifs
- VILLE: Mantes-la-Jolie (Yvelines)
- FORME JURIDIQUE: SAS avec conseil de surveillance j
- DIRIGEANT: Aziz Senni, 31 ans
- ANNEE DE CREATION: 2000
- EFFECTIF: 4 salariés
- CA 2006: 2,5 MEuros
- RESULTAT NET 2006: 250 KEuros

A LIRE

> L'INTELLIGENCE DES BANLIEUES par Corinne Pezelj, Hervé Azoulay et André Added
Editions Ifie, 2007, 233 pages, 15 Euros.

Les banques ne suivent pas toujours. Le financement, justement, c'est bien là le principal frein à la création d'entreprise, tout particulièrement dans les quartiers dits «difficiles». Rachida Bouatassa Martin, qui a fondé en 2006 Knowledge Partners, une société de formation professionnelle, est intarissable sur ses mésaventures avec les banques. «Enfant d'immigrés, femme métissée, cinq enfants, 1,58 mètre...», la jeune femme énumère avec humour les «tares» qui l'ont rendue insolvable aux yeux des banquiers. Son brillant parcours dans un organisme de formation professionnelle, où elle a gravi les échelons de commerciale à directrice régionale, n'était manifestement pas suffisant. «J'avais obtenu un crédit de 30000 euros dans une banque des Mureaux (Yvelines, NDLR), raconte-t-elle. Une semaine avant l'ouverture de mon centre de formation, elle s'est désistée!» Lasse de courir les banques, Rachida Bouatassa Martin se résigne à casser la tirelire familiale et contracte un prêt à la consommation. A la fin de sa première année d'activité, son chiffre d'affaires se monte à 600 000 euros et, surtout, ses comptes sont à l'équilibre! «Et bien sûr, aujourd'hui, je suis courtisée par les banques», ironise-t-elle. Beaucoup déjeunes créateurs sont ainsi livrés au système D et n'ont pour unique recours que la solidarité familiale, voire «communautaire». «Pour pallier la frilosité des banques et des fonds d'investissement classiques, des réseaux de financements «communautaires» existent et sont quelquefois très performants», indique Majid El Jarroudi, auteur d'un rapport sur l'entrepreneuriat.

RACHIDA BOUATASSA MARTIN, fondatrice de Knowledge Partners

Enfant d'immigrés, femme métissée, cinq enfants, 1,58 mètre... Je cumulais les «défauts» aux yeux Ides banquiers!

C'est le cas des «tontines». Leur principe? Des groupes d'amis, des éléments d'une même communauté se constituent afin de proposer, sur la base de la confiance, des aides financières à leurs membres les plus entreprenants. Depuis peu, des fonds d'investissement d'un genre nouveau, à cheval entre le financier et l'humanitaire, commencent à s'intéresser aux quartiers.

Début 2007, PlaNet Finance - l'ONG de Jacques Attali spécialisée dans le microcrédit - lançait FinanCités, une société de capital-risque solidaire dotée de près de 2 millions d'euros, avec le concours de la Caisse des Dépôts et Consignations et de la banque HSBC. Il y a quelques mois également, Hervé Azoulay et André Added déposaient les statuts d'Invest Banlieues, pour participer à la création de start-up dans les cités.

A SAVOIR
Les Zones franches urbaines, mode d'emploi

La création des premières zones franches urbaines (ZFU), en 1997, a mis «l'intégration par la fiche de paie» à la mode. Le contrat passé avec les pouvoirs publics est clair. En échange d'exonérations diverses, les entrepreneurs s'installent au pied des tours et recrutent un tiers de leurs salariés dans les zones urbaines sensibles, ces dernières couvrant, à peu de choses près, l'ensemble des quartiers dits «sensibles» de France.
Sous quelles conditions?
La première condition est évidemment de vous implanter dans l'une des cent Zones franches urbaines, au plus tard le 31 décembre 2011 (voir la liste sur zfu.fr). Votre entreprise doit aussi compter moins de 50 salariés à la date de sa création ou de son implantation en ZFU. La forme juridique n'a aucun impact. En revanche, votre chiffre d'affaires hors taxes et votre total de bilan annuel ne doivent pas excéder 10 millions d'euros chacun.
A partir de la troisième embauche, vous aurez l'obligation d'employer un tiers de résidents des Zones urbaines sensibles de l'agglomération où est située la ZFU, avec une durée minimale de travail de 16 heures par semaine.
Quelles exonérations?
Les exonérations portent sur les charges sociales patronales (assurances sociales, allocations familiales, accidents du travail), les cotisations au titre du fonds national d'aide au logement et de versement transport, l'impôt sur les bénéfices, la taxe professionnelle et la taxe foncière sur les propriétés bâties. Pour les entreprises de moins de cinq salariés, la durée des exonérations est de cinq années à taux plein, cinq années à 60%, deux années à 40% et deux années à 20%. Pour les entreprises de cinq salariés et plus, la durée des exonérations est de cinq années à taux plein, une année à 60%, une année à 40% et une année à 20%.

 
Je m'abonne

Houda El Boudrari

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

Chef d'Entreprise Newsletter

Artisans Newsletter

Commerce Newsletter

Event

Event

Event

Les Podcasts de Chef d'Entreprise

Lifestyle Chef d'Entreprise

Artisans Offres Commerciales

Chef d'Entreprise Offres Commerciales

Commerce Offres Commerciales

Good News by Netmedia Group

Retour haut de page