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Menacés, ils ont su riposter

Publié par La rédaction le

Viser un nouveau marché, changer de métier ou bien repositionner l'offre, c'est ce qu'ont fait avec succès les dirigeants des quatre entreprises dont nous relatons l'histoire dans les pages qui suivent. Quatre patrons qui ont remis leur entreprise sur les rails en adoptant la bonne stratégie face à une baisse de la demande ou une concurrence accrue.

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Depuis novembre 2009, 24h00.fr propose un magazine qui mêle articles sur l'e-shopping et publicités assorties de promotions

Depuis novembre 2009, 24h00.fr propose un magazine qui mêle articles sur l'e-shopping et publicités assorties de promotions

CAS 1 24h00.fr quitte l'e-commerce et se tourne vers la presse

Face à une trop rude concurrence, le site web de ventes privées a mis à profit sa connaissance des cyberacheteuses et des sites marchands pour lancer un magazine sur l'e-shopping. Par Céline Tridon

Le site 24h00.fr a baissé le rideau de sa boutique en ligne. En novembre dernier, le portail web a changé son fusil d'épaule et s'est orienté vers l'actualité de l'e-shopping en lançant son propre magazine papier. En trois ans d'existence, la société de Patrick Robin s'était pourtant fait un nom sur le marché des ventes privées en ligne. Mais la concurrence était rude dans un secteur qui est largement dominé par le «modèle» vente-privée. com. Et contrairement aux sites Showroomprivé. com, Privateoutlet.fr ou encore Espacemax.com, 24h00.fr ne bénéficiait pas d'autres canaux de distribution qu'Internet, ce qui limitait sa visibilité. Enfin, sa relation avec les marques était récente. La PME était donc moins bien placée que d'autres pour décrocher les contrats les plus attractifs.

«Pourtant, l'activité a démarré très rapidement», se souvient Patrick Robin. Née en 2006, l'entreprise réalise 5 millions d'euros de chiffre d'affaires dès la première année. «Mais nous avons stagné à ce niveau», reconnaît-il aussitôt. La forte hausse du trafic n'aura pas suffi à booster les ventes. Pourtant, en termes d'audience, le succès est bien réel : 2 millions de visiteurs uniques par mois, grâce au lancement de Magby24h00, un magazine digital consacré à l'e-shopping. 24h00.fr se constitue alors un fichier d'adresses de 2,5 millions d'internautes. Dès 2008, capitalisant sur ce trésor de guerre, l'entreprise mène, pour le compte de tiers, des opérations de marketing en ligne. Sur ses 6 millions d'euros de chiffre d'affaires réalisés en 2009, 4 millions proviennent de cette nouvelle activité. Mais la rentabilité de l'entreprise n'est toujours pas au rendez-vous et son chiffre d'affaires stagne. Patrick Robin a une autre idée : développer l'offre de services et lancer un magazine papier qui va lui permettre d'exploiter sa position d'intermédiaire entre les e-marchands et les consommateurs.

Pub : opération séduction. En ces temps de crise de la presse, lancer un magazine est un pari risqué. Heureusement Patrick Robin a trouvé une «astuce» : l'intégralité de l'espace publicitaire du magazine 24h00.fr est vendue sur le modèle de la rémunération à la performance, connu et développé sur Internet. Le principe ? Les annonceurs proposent des offres promotionnelles aux lectrices de 24h00. fr. Pour en bénéficier, ces dernières n'ont plus qu'à se connecter sur le site marchand de la marque en entrant un code qui figure sur la page de publicité du magazine. L'annonceur peut ainsi identifier les clientes que lui a «apportées» 24h00.fr et donc mesurer les retours exacts de son investissement publicitaire. D'ailleurs, la prise de risque est minime pour l'annonceur, puisque le coût de la page est fonction de son efficacité : ce dernier paie 3 500 euros (par page) de prix fixe, auxquels s'ajoute une commission de 15 % du chiffre d'affaires que lui apporte le magazine.

Très vite, le concept plaît. Dès son premier numéro, en novembre dernier, le magazine de 100 pages compte pas moins de 31 pages de publicité. Une prouesse par les temps qui courent. «Avec un modèle à la performance, le succès ou l'échec se partage», souligne Patrick Robin. L'équipe de 24h00.fr, composée de 30 salariés et d'une dizaine de pigistes, travaille aussi bien sur l'animation du portail web que pour le support papier. Le magazine, diffusé à 200 000 exemplaires à Paris, Lyon, Lille et Marseille, est suivi d'une version digitale envoyée aux 2,5 millions de contacts de la base 24h00. fr. 40 000 exemplaires en version papier seront aussi distribués aux clients du supermarché en ligne Telemarket. A raison de cinq éditions par an, 24h00.fr met en avant les points forts de l'année commerciale. Les premiers numéros ont été consacrés aux fêtes de fin d'année et aux soldes. Le prochain, prévu pour la fin avril, sera dédié au printemps et à la fête des Mères.

24H00.FR - Repères

- ACTIVITE : Médias
- VILLE : Paris (IIer arr.)
- FORME JURIDIQUE : SA
- DIRIGEANT : Patrick Robin, ,53 ans

AVIS D'EXPERT Patrick Robin a su réagir en se posant les bonnes questions CLAUDE DUPLAA, associé fondateur du cabinet Panoptes, coauteur de Faites évoluer votre business model (Ed. Dunod)

« En se lançant dans l'édition d'un magazine pour les e-shoppeuses, Patrick Robin, le dirigeant de 24h00.fr, a démontré qu'il était un véritable manager, c'est-à-dire capable de mettre en oeuvre un business model mais aussi et surtout de l'adapter avec succès », analyse Claude Duplaa, fondateur et associé du cabinet Panoptes. Le dirigeant de 24h00.fr a réagi de la bonne façon en se posant les bonnes questions : qui sont les clients de 24h00.fr ? Que veulent-ils ? Selon l'expert,
« il a su répondre aux deux attentes principales de ses clients : trouver de bonnes affaires et profiter de réductions sur un seul portail ». Pour Claude Duplaa, Patrick robin a d'autant mieux réagi qu'il est resté dans l'univers qu'il connaît sur le bout des doigts et dans lequel il a développé de véritables compétences : l'e-commerce.
« Il a ainsi mis astucieusement à profit sa base de plus de 2 millions de contacts. » Claude Duplaa souligne, enfin, la pertinence d'une optimisation des frais, partageant les coûts de fonctionnement entre numérique et papier. Les investissements n'alourdissent alors pas le compte d'exploitation.

CAS 2 Avance Diffusion innove et met le cap sur l'export

Après avoir connu un grand succès grâce à des vêtements sous licence Tex Avery, la PME est placée en redressement judiciaire. Elle doit son salut à la R&D et à l'export. Par Julien van der Feer

Quand ils dévalent les pistes à toute allure, leur tenue rouge est reconnaissable entre toutes. «Ils», ce sont les 16 000 moniteurs de ski français qui, pour les saisons 2009-2010 et 2010-2011, portent des tenues de la marque Degré7, détenue par Avance Diffusion. Un joli coup de publicité pour cette PME du Creusot (Saône-et-Loire) qui, avec un chiffre d'affaires de 23 millions d'euros et une croissance attendue de 10 % cette année, est sur une pente ascendante. Toutefois, l'aventure aurait pu tourner court.

Créée en 1982, l'entreprise connaît un succès fulgurant entre la fin des années quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix, grâce à sa marque Studio Aventures. Des vêtements connus par tous, ou presque, puisqu'ils exploitent l'imagerie de la BD, notamment des personnages de Tex Avery, dont la société détient la licence pour l'Europe. Déclinée pour adultes et enfants, la marque vit une rapide ascension entre 1988 et 1992. Au milieu des années quatre-vingt-dix, elle réalise 150 millions de francs de chiffre d'affaires (soit 23 millions d'euros). En 1997, François Gadrey, le dirigeant, rachète une marque de vêtements de sport sur le déclin : Degré7. Sa motivation ? «Nous ne voulions pas mettre tous nos oeufs dans le même panier.»

Guidé par cette même idée, il lance, en 2000, une marque de prêt-à-porter féminin. Baptisée Aventures des Toiles, elle s'inspire des toiles d'artistes contemporains. Heureuse décision. Car c'est aussi à cette période qu'Avance Diffusion connaît ses premières difficultés. Les ventes de Studio Aventures s'effondrent : en trois ans, le chiffre passe de 20 à 9 millions d'euros. «La chute a été violente et rapide», décrit le chef d'entreprise. En fait, les héros des jeux vidéo ont supplanté ceux des BD dans le coeur des consommateurs. Un changement qu'Avance Diffusion n'a pas su anticiper. Parallèlement, les ventes de Degré7 et d'Aventures des Toiles sont stables et ne compensent donc pas le «manque à gagner» : « Ces marques étaient trop récentes et ne généraient pas un chiffre d'affaires suffisant», analyse François Gadrey. Le couperet tombe en 2004 : avec une perte de 600 000 euros, pour un chiffre d'affaires de 20 millions, la société est placée en redressement judiciaire .

Miser sur la création et l'innovation.

Au pied du mur, le dirigeant abandonne sa marque Studio Aventures, qui a fait vivre l'entreprise pendant 20 ans. Les 55 salariés sont réaffectés de façon transversale à Degré7 et Aventures des Toiles. Parallèlement, François Gadrey réunit tour à tour ses fournisseurs, ses clients, ses salariés et ses banques. Il veut s'assurer de leur soutien et leur expliquer les nouveaux axes de développement de l'entreprise. Car si le navire tangue, il dispose encore d'une trésorerie suffisante pour financer ses projets. «J'ai revu tout mon business plan», affirme le p-dg.

Tout d'abord, le dirigeant met le cap sur l'innovation. Il prend le contre-pied de ses concurrents et développe sa R&D. Désormais, la PME dispose d'un bureau composé de stylistes, de modélistes (qui font les patronages), de prototypistes (qui montent les prototypes), de techniciens et d'ingénieurs textiles (qui développent des tissus et valident les process) . Bref, la PME maîtrise la conception de ses vêtements de A à Z. Grâce à cette stratégie, la société crée notamment la première veste de ski trois couches superposables, sans couture, qui permet d'affronter des conditions extrêmes. Elle choisit aussi de monter en gamme, avec des coupes plus «branchées».

Côté commercialisation, Avance Diffusion se recentre sur les boutiques de sport et fait une croix sur le réseau de distribution de Studio Aventures. Puis, elle part à l'assaut des marchés étrangers. Avec sa marque Aventures des Toiles, elle aborde l'Italie, la Belgique, l'Espagne et la Scandinavie. Quant à Degré7, elle est distribuée outre-Atlantique. Des paris gagnants puisque la société renoue avec la croissance dès 2005 et atteint un chiffre d'affaires de 17 millions d'euros dès 2006 (+ 12 %).

Aujourd'hui, la PME compte près de 100 salariés, dont 35 sur le seul pôle R&D, ce qui représente quelque 10 % de son chiffre d'affaires. «Nous aurions pu externaliser notre service R&D en Asie pour faire des économies, mais nous voulons conserver une qualité maximale», souligne François Gadrey. Dernière innovation en date : Avance Diffusion a créé des combinaisons de ski légères, imperméables et qui laissent s'évaporer la transpiration. La société a aussi fait ses premiers pas en Asie, en ouvrant deux boutiques Degré7 en Corée du Sud. Elle espère en compter une vingtaine en 2010. Quant à la marque Aventures des Toiles, elle représente désormais plus de la moitié du chiffre d'affaires. Pour autant, le dirigeant ne crie pas victoire : le plan de redressement court jusqu'en 2015. «Nous ne sommes pas encore totalement sortis d'affaire», tempère-t-il. Reste que l'avenir de l'entreprise semble assuré. La PME fonce tout schuss vers la ligne de la réussite.

L'OEIL DU CONSULTANT François Gadrey est resté pragmatique SERGE COGITORE, président de l'institut des meilleures pratiques professionnelles

Une crise par manque d'anticipation. C'est l'analyse faite par Serge Cogitore, président de l'institut des meilleures pratiques professionnelles, cabinet de conseil spécialisé en management d'entreprise. Pour lui, François Gadrey a tardé à «lancer d'autres marques en parallèle de Studio Aventures», sa marque historique. Si le dirigeant n'a pas été un bon visionnaire, il reste un «très bon manager». face aux difficultés, il a «su prendre de bonnes décisions». De plus, l'entreprise n'a pas «subi son placement en redressement judiciaire», mais l'a utilisé «pour redécoller rapidement». Aujourd'hui, la PME est repartie sur de bonnes bases, avec une marque de vêtements technologiques et une autre de prêt-à-porter. Mais l'expert s'interroge sur «sa capacité à développer en même temps deux produits très différents». L'entreprise risque donc de devoir choisir entre assurer «sa pérennité grâce à sa marque de sport» ou miser sur sa marque de prêt-à-porter en fort développement « tributaire du goût des consommateurs».

AVANCE DIFFUSION repères

- ACTIVITE : fabrication et distribution de vêtements
- Ville : Le Creusot(Saône-et-Loire)
- FORME JURIDIQUE : SA
- DIRIGEANT : François Gadrey, 52 ans
- ANNEE DE CREATION : 1982
- EFFECTIF : 96 salariés
- CHIFFRE D'AFFAIRES 2008-2009 : 23 M Euros
- RESULTAT NET 2008-2009 : 800 kEuros

CAS 3 Face à une législation répressive, Chapuis-Comoy choisit l'export

Le fabricant de pipes paie les frais de la lutte contre le tabagisme. Son dirigeant, Antoine Grenard, répond, alors, au déclin du marché français en orientant son entreprise vers l'export. Par Céline Tridon

Si vous déambulez dans les rues de Saint-Claude, petite ville du Jura, ne vous étonnez pas d'entendre parler chinois, argentin ou indien. Il y a peu de chances pour que ces voyageurs fassent du tourisme. Ce sont, plus certainement, des partenaires commerciaux de la société Chapuis-Comoy, le fabricant de pipes installé dans la ville. «Lors de ces visites, nous mettons l'accent sur notre savoir-faire. Notre usine est un peu notre musée», se ravit Antoine Grenard, dirigeant de Chapuis-Comoy. En effet, l'entreprise fabrique ses pipes comme il y a 50 ans. Un traditionalisme dont elle est fière. C'est pourquoi son dirigeant n'hésite pas à convier ses clients, distributeurs ou intermédiaires, à Saint-Claude, pour visiter l'usine. Car les pipes jurassiennes Chapuis-Comoy se fument aujourd'hui partout dans le monde. La marque est, en effet, présente dans 60 pays grâce à une trentaine d'agents distributeurs. L'export représente 55 % de son chiffre d'affaires, ce qui représente environ 35 000 pipes vendues, chaque année, à l'étranger. Son plus gros marché ? L'Allemagne, où l'entreprise écoule environ 8 000 pipes par an. Un débouché qui pourrait être supplanté, demain, par celui de la Chine. «Nousy avons de très gros espoirs», affirme Antoine Grenard.

Le coup de massue de la loi Evin.

Rien pourtant ne prédestinait cette PME à embrasser les marchés étrangers. Jusqu'à la fin des années quatre-vingt-dix, elle réalisait même 100 % de son chiffre d'affaires dans l'Hexagone. Tout commence en 1991, avec le vote de la loi Evin, qui consume brutalement le marché français du tabac. Chapuis-Comoy fait vite les frais de cette stigmatisation des volutes. L'engouement pour les pipes disparaît en peu de temps. Le fabricant jurassien tente, alors, de développer la distribution de ses produits dans les magasins spécialisés. Pour cela, il s'appuie sur une équipe de six commerciaux, dont cinq VRP multicartes. Une stratégie qui ne paie pas. En 2008, la PMI vend, en France, environ 25 000 pipes, soit une baisse de 15 % par rapport à 2007. Un recul qui n'a rien d'étonnant lorsque l'on sait que le marché hexagonal continue de s'effriter : selon Le Losange, le mensuel des buralistes, les ventes ont chuté d'un tiers entre 2002 et 2008. Dans ce contexte, il est bien difficile, pour Chapuis-Comoy, de maintenir son activité. Heureusement, le jeune patron de 32 ans sait qu'il peut désormais compter sur l'export.

Cap sur l'export. C'est au début des années 2000, lorsqu'il remplace son père à la tête de la PME, qu'Antoine Grenard décide d'orienter son entreprise vers les marchés extérieurs. Le durcissement de la législation autour du tabac lui fait vite prendre conscience que c'est en dehors des frontières nationales qu'il pourra continuer à faire grandir l'entreprise. Pour ce faire, il met à profit ses contacts à l'international. L'industrie de la pipe compte trois salons spécialisés : un aux Etats-Unis et deux en Allemagne. Chapuis-Comoy loue un stand dans chacun d'eux. Grâce à ces rendez-vous, le dirigeant de l'entreprise, aidé de son père, entre en relation avec des agents distributeurs et des intermédiaires chinois, japonais, argentins... Peu à peu, Grenard père et fils se composent un portefeuille de clients étrangers, qu'ils enrichissent au fil des rendez-vous. Sans oublier les championnats du monde des fumeurs de pipes, une mine d'or de contacts ! Pour répondre aux attentes de ses nouveaux clients, Antoine Grenard n'hésite pas à proposer de nouveaux modèles. Il met à profit les visites de ses partenaires à Saint-Claude. «Ily a deux ans, nous avons répondu à une demande farfelue d'un distributeur allemand qui voulait des pipes en forme de soucoupes volantes et de volcans», se souvient le dirigeant, ancien étudiant en design. Quelques fantaisies sont toujours d'actualité, comme cette demande russe de pipes incrustées de diamants vendues plusieurs milliers d'euros. Néanmoins, les formes anciennes et les modèles traditionnels restent les plus prisés.

Demain ? Antoine Grenard espère conquérir l'Inde. Il compte, notamment, sur l'aide de la Chambre de commerce et d'industrie, qui vient de lui offrir de rencontrer de nouveaux partenaires. En parallèle, fin 2009, la PME jurassienne a inauguré son site internet. «C'est une vitrine qui permet à nos clients et distributeurs de visionner des vidéos de nos locaux et de découvrir les procédés de fabrication de nos produits», explique le patron de Chapuis-Comoy. Deux versions du site existent : l'une française et l'autre anglaise. En communiquant ainsi via le Web, sur l'objet et le savoir-faire, Antoine Grenard ne désespère pas de reconquérir le marché français.

AVIS D'EXPERT cette PME est entrée dans le luxe, sans le savoir

DANIEL GENTON, professeur affilié à HEC - executive Education, coauteur de Faites évoluer votre business model, éd. Dunod.
« Cette entreprise française, voyant son marché national s'étioler d'année en année, est allée prospecter des pays dans lesquels la lutte contre l'usage du tabac est moins intensive, voire absente, souligne Daniel Genton. La réussite de ce courageux repositionnement est, pour moi, essentiellement imputable à l'approche originale que l'entreprise a adoptée, face à ces nouveaux marchés. » L'expert observe que la clientèle de ChapuisComoy a changé. «Hier, elle se contentait de fumer... Aujourd'hui, elle est séduite par la pipe en tant que produit rare et objet de savoir-vivre. L'entreprise a su évoluer et passer d'une production d'objets usuels à des produits uniques, voire de luxe», reconnaît Daniel Genton. Pour continuer à se développer dans le secteur du luxe, le professeur d'HeC dispense une série de conseils. il insiste sur la nécessité de « maîtriser la création (il faut faire vivre l'offre), le marketing (pour protéger son image, sa marque et savoir communiquer vers les publics cibles), la distribution (il s'agit de maîtriser ses réseaux) et, enfin, la gestion des ressources financières».

CHAPUIS-COMOY - Repères

- ACTIVITE : Fabricant de pipes
- VILLE : Saint-Claude (Jura)
- FORME JURIDIQUE : SARL
- DIRIGEANT : Antoine Grenard, 32 ans
- ANNEE DE CREATION : 1825
- EFFECTIF : 25 salariés
- 2009 : 1 350 000 Euros

CAS 4 Bois Finances passe du négoce de bois à la fabrication de tréteaux

Pour relancer son entreprise d'importation de bois, Jean-Jacques Boutrot initie une activité d'engineering, puis se lance dans la fabrication de tréteaux pliables. Par Céline Tridon

Kipli. Un nom qui parle tout seul, pour un produit ingénieux : le premier tréteau entièrement pliable. Son fabricant : Bois Industries, une PMI de Charente-Maritime. «Le tréteau est un produit banal, mais Kipli apporte un renouveau technologique et commercial», assure le dirigeant, Jean-Jacques Boutrot. Sa fabrication est sous-traitée auprès de personnes handicapées travaillant dans les Centres d'aide par le travail de la région Poitou-Charentes. Surtout, l'entreprise a su mobiliser les compétences techniques de ses équipes. Le petit groupe Bois Finances inclut désormais trois filiales : CABD (Compagnie Atlantique des Bois et Dérivés, 11 salariés), spécialisée dans le négoce de bois tropicaux, CPF (Comptoir des produits forestiers, 9 salariés), une filiale d'engineering, et Bois Industries, créée en 2007 pour produire le Kipli. Commercialisé au prix de 12 à 15 Euros (prix public), il est vendu dans les grandes surfaces de bricolage. Après avoir écoulé 60 000 Kipli en 2009, le dirigeant espère en vendre 500 000 en 2011. Et profiter de la bonne santé de Bois Industries pour remettre à flot son entreprise, jusqu'alors spécialisée dans l'import de bois tropicaux.

La crise des bois exotiques... Créée

en 1980, CABD est frappée, à l'aube des années 2000, par une baisse considérable des quantités de bois importés. Le volume des grumes (arbres abattus, ébranchés et encore couverts d'écorce) décline inexorablement. Les bois exotiques sont de plus en plus rares, donc de plus en plus chers. Alors que CABD importait des dizaines de milliers de mètres cubes de bois au milieu des années quatre-vingt-dix, elle ne parvient plus désormais, à écouler ses matières premières, trop chères : les consommateurs leur préfèrent le PVC. L'activité du Port de La Rochelle baisse de 60 % en sept ans. Quant au chiffre d'affaires de CABD, il tourne autour de 10 millions d'euros, soit la moitié des ventes record de 1995 !

En parallèle, le commerce du bois scié, c'est-à-dire ayant subi une première transformation, augmente de 15 % chaque année. «Nous avons senti venir cette mutation du marché», se souvient Jean-Jacques Boutrot. C'est pourquoi, en 1995, le chef d'entreprise profite de la force de CABD pour créer CPF, spécialisée dans le conseil et l'engineering industriel de la filière bois. Son rôle ? Apporter à ses fournisseurs - les exploitants forestiers d'Afrique - les outils nécessaires pour qu'ils réalisent une première transformation du bois. CPF achète en Europe des machines d'occasion, les rénove et les installe dans des usines nouvellement construites près des exploitations africaines. Une dizaine de salariés de CPF-Bois Finances suivent, depuis La Rochelle, l'évolution du marché africain et l'achat des machines. Puis, environ six techniciens et ingénieurs supervisent leur installation sur place. Les producteurs sont désormais en mesure de livrer des planches de bois, et plus seulement des troncs d'arbres. «Il s'agissait de créer une activité de remplacement à l'importation de bois tropicaux», argumente JeanJacques Boutrot.

Ce dernier a vu juste : la filiale CPF atteint les 700 000 euros de chiffre d'affaires annuel. Mais le dirigeant décide d'aller encore plus loin dans la commercialisation du bois transformé.

Recycler les déchets. C'est ainsi qu'en 2007, il crée Bois Industries, la «petite dernière» du groupe, pour construire le premier tréteau entièrement pliable. Jean-Jacques Boutrot dépose une marque - le Kipli - et fait breveter son invention. Bois Industries achète sa matière première en Europe centrale, notamment en Pologne, et lance ce business prometteur. «Nous nous efforçons de compenser le déclin de l'import de bois précieux en proposant des produits finis de plus en plus élaborés. Le Kipli nous a redonné confiance », explique-t-il. Le dirigeant espère développer le chiffre d'affaires de Bois Industries d'au moins 50 % par année et vise le million d'euros dès 2011. «Demain, nos activités d'importation et d'engineering n'existeront plus. La transformation est notre planche de salut», conclut Jean-Jacques Boutrot.

AVIS D'EXPERT Jean-Jacques Boutrot a compris que le salut de son entreprise passait par l'innovation ERIC-MICHAEL LAVIOLETTE, professeur en stratégie et entrepreneuriat à advancia

Pour Eric-Michael Laviolette, Jean-Jacques Boutrot a eu raison d'explorer d'autres segments du marché en menant de front une double stratégie. «Cette entreprise a eu l'intelligence de ne pas insister sur un marché bloqué. Elle a développé, en parallèle de son métier d'origine, une activité plus complexe et à plus forte valeur ajoutée, basée sur l'engineering. Elle se positionne ainsi en aval de sa filière, celle de l'importation du bois.» Par ailleurs, Bois finances a conçu un produit inédit, le Kipli. L'entreprise explore, ainsi, une nouvelle activité, cette fois-ci plus en aval de son métier d'origine. Pour l'expert, Bois finance a parfaitement su identifier les opportunités sur sa filière. « En cas de crise, il est important de se déplacer sur ce que Ton appelle la «chaîne de valeur" de son marché qui couvre l'ensemble des étapes d'élaboration d'un produit, en s'orientant vers un marché de niche ou bien vers une activité d'expertise», explique éric-Michael Laviolette, pour qui l'innovation, à l'image du Kipli, reste l'élément-clé de la croissance d'une société.

BOIS FINANCES - REPERES

- ACTIVITE : Négoce de bois tropicaux et fabrication de produits manufacturés en bois
- VILLE : La rochelle (Charente-Maritime)
- FORME JURIDIQUE : SA
- DIRIGEANT : Jean-Jacques Boutrot, 62 ans
-ANNEE DE CREATION : 1980
- EFFECTIF : 20 salariés
- CA 2009 : 11,1 MEuros

 
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