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Ils ont créé leur entreprise après 50 ans

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Contourner le chômage des seniors, devenir son propre patron, poursuivre une passion... Les quinquagénaires ne manquent pas de raisons pour se lancer dans l'entrepreneuriat.

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A 30 ans, Raoul Grand-homme crée «à partir de rien» une société qui commercialise des produits capillaires en gros. Quatre ans plus tard, affecté par son divorce, il la revend et redevient salarié. Commercial dans une grande entreprise, il finit par tout lâcher à la quarantaine pour entreprendre un tour du monde en bateau avec sa nouvelle épouse. En escale au Panama, le couple tombe amoureux du pays et monte un restaurant sur la plage. Mais le beau-père de Raoul Grandhomme tombe malade et la famille rentre en France au bout de seulement deux ans. C'est alors que commence une période de «flottement professionnel» pour l'entrepreneur. Ce dernier va changer de métier tous les mois, «afin de trouver le bon». Au bout d'un an, il décroche un poste dans le courtage en crédit immobilier, qui lui plaît enfin. Pourtant, il démissionnera quelques mois plus tard pour monter sa propre entreprise, Broker France. Nous sommes, alors, en 2006. Aujourd'hui, fort du succès de son entreprise, le dirigeant de 51 ans vient de créer une deuxième entreprise dans le même secteur d'activité, Access Crédit Pro.

@ WOODENHEADWORLD / FOTOLIA / LD

RAOUL GRANDHOMME, CREATEUR DE BROKER FRANCE ET ACCES CREDIT PRO

« Pour me mettre à niveau, tous les soirs, je faisais des exercices que me corrigeait un ami professionnel de l'analyse bancaire.

De la crise naît le projet. Atypique, le parcours de Raoul Grandhomme? Pas tant que ça, selon Pierre-Paul Zalio, professeur de sociologie à l'Ecole nationale supérieure de Cachan (Val-de-Marne), «ilexiste, de nos jours, une vraie porosité entre le statut de salarié et celui de chef d'entreprise». Et de citer l'exemple de ce senior qui a fait carrière dans un laboratoire, puis a fondé son affaire à 50 ans, l'a revendue et, non content de cette aventure, en a créé une autre, à quelques années de l'âge légal de la retraite. Pour ses travaux de recherches, Pierre-Paul Zalio a interviewé une cinquantaine de dirigeants. Il en ressort qu'à chaque fois, un contexte critique favorise la prise de décision: chômage ou soucis de santé le plus souvent. «L'envie de se lancer à cet âge ne résulte presque jamais d'un seul paramètre, mais de la convergence de plusieurs facteurs», précise David Vallat, maître de conférence en économie à l'université Lyon I, qui a mené des études sur la création d'entreprise par des publics en difficultés.

MICHEL HAHN, CREATEUR DE SOS.COM

«Quand on est soutenu financièrement par ses proches, on a encore moins le droit de se tromper.

@ WOODENHEADWORLD / FOTOLIA / LD

Dans le cas de Michel Hahn, 51 ans, c'est la conviction que le marché était mûr, couplée à une expérience personnelle dramatique, qui a fait de lui un entrepreneur. A la fin des années quatre-vingt-dix, une réaction allergique à un antiseptique le cloue, quatre mois durant, à l'hôpital. Profondément marqué par cette mésaventure, qui lui vaudra une rente d'invalidité, l'actuel gérant de Sos.com en retire une idée d'entreprise: il invente un document papier, destiné aux secours, qui retrace l'historique médical de son propriétaire. Mais c'est en 2006 que l'affaire prend de l'ampleur. «Les Français semblaient de plus en plus concernés par les problèmes d'allergies. Les sites de conseils médicaux se multipliaient. Et la technologie était prête pour une version informatique de mon projet», argumente le quinquagénaire, aujourd'hui à la tête d'une PME de 12 salariés. Son produit, BioStick, une clé USB sur laquelle le client entre ou fait entrer par ses médecins ses informations médicales, est déjà distribué en France et en Espagne. Pour en arriver là, Michel Hahn a été soutenu par ses proches qui, convaincus du bien-fondé de son projet, sont allés jusqu'à y investir 70 000 euros. «Autant dire que j'ai mis toutes les chances de mon côté!» Et cela passe, entre autres, par la formation. «Mon expérience commerciale et administrative ne suffisait pas. Je ne connaissais rien en comptabilité ni en gestion...», confesse-t-il. Son expert-comptable et les organismes de formation lui apporteront les fondamentaux qui lui manquent. Une mise à niveau indispensable qu'a également effectuée Raoul Grandhomme. «Tous les soirs, je faisais des exercices, que me corrigeait un ami professionnel de l'analyse bancaire», se souvient le fondateur de Broker France et d'Access Crédit Pro, qui, depuis, a embauché son ex-mentor. Si le parcours de Raoul Grandhomme est aussi passionnant que réussi, certaines histoires sont nettement moins réjouissantes. Car l'aventure entrepreneuriale est toujours périlleuse, mais elle l'est a fortiori pour un quinquagénaire.

A savoir

Les entrepreneurs seniors sont motivés par le désir d'indépendance et le goût d'entreprendre
En France, on entreprend plutôt jeune: l'âge moyen des créateurs d'entreprise est de 38 ans et demi. C'est ce que révèle une enquête de l'Insee sur l'emploi Sources: Insee, enquête emploi 2006 et enquêtes SINE (systèmes d'informations sur les nouvelles entreprises) 2002 et 2006. . Cet âge est quasiment le même pour les hommes et les femmes, et il n'a pas changé entre 2002 et 2006. Seules 16% des créations et reprises d'entreprises sont conduites par des personnes de 50 ans et plus et, sans surprise, les cas de création après 60 ans sont exceptionnels.
La même étude nous livre le portrait-robot de ces «oiseaux rares» que sont les entrepreneurs seniors. On y apprend qu'ils ont 55 ans en moyenne. Plutôt tentés par la création ex-nihilo que par la reprise, ils sont particulièrement nombreux dans le commerce et les services aux entreprises. Ils bénéficient rarement d'aides à la création mais profitent, en revanche, d'un soutien financier de leur entourage proche et d'appuis professionnels (clients, fournisseurs, ancien employeur).
Leurs moteurs? Le désir d'indépendance et le goût d'entreprendre. 22% des plus de 50 ans ont traversé une période d'inactivité professionnelle qui leur a permis de concrétiser leur projet. 11% d'entre eux avouent s'être sentis contraints de créer faute de retrouver un poste salarié.

Savoir s'auto-évaluer. Comme le souligne Pierre-Paul Zalio, «certaines compétences professionnelles sont plus facilement transposables que d'autres». Le professeur de sociologie prend l'exemple de ce Marseillais, cadre commercial dans une grande société de production de boissons, à qui la direction propose, un beau jour, de partir avec un gros chèque. L'homme commence par chercher du travail, en vain: son âge ne joue pas en sa faveur... Mais il refuse de céder au découragement: puisque personne ne veut de lui, il décide de devenir son propre patron. Il choisit de se lancer dans le prêt-à-porter, univers qui le passionne mais qu'il connaît très peu. Résultat: deux ans plus tard, sa société est placée en redressement judiciaire. «Il a découvert, à ses dépens et à ceux de ses employés, que ses compétences n'étaient pas transposables telles quelles», analyse l'enseignant. «Cet entrepreneur malheureux fait partie de ces seniors qui sont contraints de créer leur propre emploi faute d'avoir pu décrocher un poste de cadre salarié, analyse David Vallat (université Lyon I). «C'est une manière, pour eux, de sauter la case chômage et d'affirmer leur indépendance, renchérit Pierre-Paul Zalio. Ces hommes et ces femmes sont issus d'une génération qui a connu le plein-emploi. En conséquence, ils ont tendance à mal supporter les conditions de travail actuelles. Or, en faisant le choix de l'entrepreneuriat, ils adoptent un rythme et des procédés qui leur conviennent.»

@ WOODENHEADWORLD / FOTOLIA / LD

PIERRE-PAUL ZALIOT, professeur de sociologie (ENS Cachan)

On ne s'improvise pas chef d'entreprise. Cela nécessite de vraies compétences, l'envie ne suffit pas.

La passion constitue également un moteur de création. «A la cinquantaine, après 30 ans de travail dans des secteurs qui ne les enthousiasmaient pas forcément, les seniors cherchent à se faire plaisir dans leur travail», indique David Vallat, qui cite le cas de cette femme mûre, devenue fleuriste après avoir consacré l'essentiel de sa carrière au secrétariat. «Le problème, complète Pierre-Paul Zalio, c'est qu'ils écoutent plus leur coeur que leur raison. Or, on ne s'improvise pas chef d'entreprise... Cela nécessite de vraies compétences, l'envie ne suffit pas.»

@ WOODENHEADWORLD / FOTOLIA / LD

TEMOIGNAGE

Mes connaissances m'ont permis de monter mon affaire
DENIS KUENTZ, gérant de roi soleil
«Prendre ma retraite?
Ja-mais!» A 71 ans, Denis Kuentz refuse ne serait-ce que d'envisager de céder les six hôtels qu'il a bâtis à l'âge où d'autres ne pensent qu'à profiter de leurs vieux jours.
Certes, l'Alsacien ne travaille «que» quatre ou cinq heures par jour, puisqu'il a délégué les fonctions opérationnelles à des cadres, mais il pilote tout de même une entreprise de 37 salariés dont le chiffre d'affaires dépasse les 6 millions d'euros. C'est à 57 ans qu'il a créé son affaire, une chaîne d'hôtels low cost.
Pendant près de 20 ans, il a codirigé, avec son frère, l'entreprise familiale de fabrication de pâtes. Puis, à 56 ans, sans enfant pour lui succéder, il décide de vendre ses parts à ses neveux et nièces. La somme qu'il en retire lui permet de financer la construction de ses deux premiers hôtels, situés en périphérie de Mulhouse. «Mon parrain, une référence pour moi bien que je l'aie peu connu, a créé des résidences hôtelières aux Etats-Unis. J'imagine que cela a dû m'influencer, confie l'intéressé.
Malheureusement mes parents n'avaient pas les moyens de me faire intégrer l'école hôtelière.» Formé au marketing, à la vente et aux achats, Denis Kuentz s'appuie sur les connaissances qu'il a acquises dans l'industrie alimentaire. En une quinzaine d'années, le septuagénaire a fait de Roi Soleil une chaîne d'hôtels régionale performante, affichant un taux moyen d'occupation de 73% et une rentabilité opérationnelle de 10%.
Le chef d'entreprise projette, dans les mois à venir, d'ouvrir d'autres établissements en Alsace et en Lorraine. «Au début, je ne prévoyais de bâtir que deux hôtels, raconte-t-il. Mais je me suis pris au jeu!»
ROI SOLEIL - repères
- ACTIVITE: Hôtellerie
- VILLE: Colmar (Haut-Rhin)
- FORME JURIDIQUE: SARL
- DIRIGEANT: Denis Kuentz, 71 ans
- ANNEE DE CREATION: 1993
- EFFECTIF: 37 salariés
- CA 2008: 6,4 MEuros

 
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Gaelle JOUANNE

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