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A la fois chef d'entreprise et patron de réseau

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Le matin dans leur syndicat professionnel, l'après-midi aux commandes de leur entreprise... Ils oeuvrent pour leur propre société et pour leur «métier» de patron. Comment font-ils? Pourquoi le font-ils? Témoignages.

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@ CORBIS/PHOTOALTO/CD

Syndicats professionnels, clubs, associations, chambres de commerce et d'industrie... Près de deux dirigeants de PME sur cinq ont des responsabilités dans au moins une structure externe à l'entreprise, d'après Oséo, organisme de soutien aux entrepreneurs. Ils y consacrent, en moyenne, 11 heures par mois. Il s'agit généralement du fruit de plusieurs années d'engagement dans un groupe reflétant leurs convictions et leur vision de la société. «L'envie de partager avec ses pairs arrive en tête des motivations des chefs d'entreprise pour intégrer un réseau, avant le business», observe Henry Savajol, directeur des études chez Oséo. Une tendance révélée par une enquête en cours auprès d'un échantillon représentatif.

Jean-François Bernardin, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) et de la CCI de Versailles, ne démentira pas ce constat: «Mes activités en dehors de mon entreprise sont passionnantes sur le plan intellectuel. J'aurais certainement pu développer davantage ma société en refusant toute responsabilité par ailleurs. Mais posséder 18 magasins plutôt que 12, à quoi cela m'aurait-il servi?» Le dirigeant de Bernardin Gestion consacre 85% de son temps aux CCI. Son secret pour éviter de «se laisser manger» par le quotidien: prendre le large, au sens propre comme au figuré, sur un bateau à voile, pendant au moins un mois. Outre cette prise de recul annuelle, Jean-François Bernardin s'appuie de plus en plus sur son fils, gardant simplement la main sur la vision stratégique de la société.

EN CHIFFRES

Un épanouissement personnel. Jean Pierre Arnaud, président national de l'association des Dirigeants commerciaux de France (DCF), a lui aussi organisé en conséquence son entreprise, Japa Communication. «Un an avant ma prise de fonction, j'ai discuté de ma candidature avec mes collaborateurs les plus proches. Je les ai préparés en leur délégant de plus en plus de dossiers», raconte le gérant. Soucieux de séparer ses deux activités, il ne veut surtout pas donner à ses salariés l'impression que sa mission aux DCF est prioritaire. Jean-Pierre Arnaud travaille une journée par semaine environ pour le réseau, sans compter les déplacements. Un investissement qu'il considère comme bénéfique pour son entreprise. «Elle gagne en visibilité. J'observe clairement des retombées en termes d'image, affirme Jean-Pierre Arnaud. Un dirigeant de réseau étant perçu comme quelqu'un de dynamique et faisant preuve de professionnalisme dans la vie associative, personne ne peut imaginer qu'il se comporte autrement dans sa vie professionnelle.» D'autant que sa fonction rejoint son coeur de métier, la communication. Militant, il s'est engagé aux DCF pour faire passer les idées du mouvement, qu'il partage. Avec deux objectifs: inciter les plus jeunes à se lancer dans la création d'entreprise et modifier la perception des entrepreneurs dans la société. «Les DCF m'offrent l'opportunité d'échanger avec des intervenants de qualité, de prendre du recul sur mon activité... C'est une ouverture d'esprit et un enrichissement personnel autant qu'économique.»

Mais cette fonction de tête de réseau comporte également des contraintes fortes, et pas seulement en termes de temps. Un dirigeant, qui a souhaité rester anonyme, souligne que les frais relatifs à sa fonction dans le réseau (téléphone, déplacements...) sont à la charge de son entreprise. Du fait du symbole qu'il représente, il est aussi, selon lui, une «cible privilégiée» des syndicats de salariés. «Ils ont fait annuler des élections de délégués du personnel parce que je n'avais pas pris le temps de consulter les syndicats extérieurs à l'entreprise. Il me semble qu'ils ne se mobilisent pas toujours lorsque d'autres omettent cette étape», lance le p-dg.

HENRY SAVAJOL, directeur des études chez Oséo

Quand un chef d'entreprise intègre un réseau, c'est plus pour partager son expérience que pour le business.

Savoir gérer son temps. Sans compter la nécessité de se rendre disponible, même un 24 décembre. C'est ce qui est arrivé à François-Ferdinand Cochin, président du Medef du Val-d'Oise depuis 2005 et p-dg d'ADS, une PMI spécialisée dans les machines de soufflage pour bouteilles en plastique. Le préfet l'a mis à contribution ce jour-là, aux côtés de la CGPME, pour jouer les médiateurs entre syndicats de salariés et direction sur la question du travail du dimanche dans les magasins d'ameublement du département... «C'est notre rôle, notre devoir, d'être au service de nos confrères, estime le dirigeant, qui donne en moyenne 20% de son temps au syndicat patronal. Quand j'étais simple adhérent, j'ai bénéficié du travail du Medef pour défendre l'esprit d'entreprise. Aujourd'hui, c'est à mon tour de le servir.» Un challenge impossible à relever en concentrant toutes les responsabilités. «Je déteste travailler seul», souligne d'ailleurs François-Ferdinand Cochin, qui a mis en place un système de délégation dès qu'il a repris l'entreprise, en 1993. Ainsi, malgré un emploi du temps chargé de «16 heures par jour», il compte bientôt faire passer un nouveau cap à sa société, grâce à des alliances. Car ces patrons de réseaux le savent: même s'il est passionnant pour le dirigeant, l'engagement ne doit pas se faire au détriment de l'entreprise.

THOMAS CHAUDRON, p-dg de Mecanalu et président du Centre des jeunes dirigeants

THOMAS CHAUDRON, p-dg de Mecanalu et président du Centre des jeunes dirigeants

TEMOIGNAGE
Je délègue pour m'en sortir

Comment gérer les priorités, entre l'entreprise et l'actualité liée au réseau? Cette question, Thomas Chaudron, président du Centre des jeunes dirigeants (CJD) depuis 2006, se la pose quotidiennement. «J'arrive à m'en sortir parce que je mets en oeuvre ce que le CJD préconise: déléguer», affirme-t-il. Avec en moyenne cinq jours par semaine consacrés à l'association, et un à sa famille, il lui reste seulement une journée pour exercer son métier de «patron». En acceptant ce mandat de président, il a choisi d'impliquer davantage, dans sa vision stratégique, ses principaux cadres, qui bénéficient d'une grande autonomie dans la gestion du quotidien et lui rendent des comptes directement. Son adage: «Manager par les compétences et non par les hiérarchies, qui paralysent les initiatives.» Outre cette confiance accordée à ses salariés, Thomas Chaudron estime que son travail est facilité par les nouvelles technologies. «Lorsque je dois attendre deux heures dans un aéroport j'occupe ce temps comme si j'étais dans mon entreprise.» Cependant, cette dernière, confie son dirigeant, se serait peut-être davantage développée, au cours des deux années passées, si Thomas Chaudron ne s'était pas engagé dans ce mandat. «Le fait d'être président amène à décaler des projets.» Alors pourquoi une telle implication? Devenu chef d'entreprise à 23 ans, Thomas Chaudron s'est nourri, au CJD, de l'expérience de ses pairs plus âgés. Sa soif de savoir-faire l'a poussé à participer assidûment aux réunions. «Je repartais chaque soir avec des idées nouvelles», explique celui qui, à son tour, souhaite porter les idées CJD.


MECANALU - Repères
- ACTIVITE: Fabrication de cloisons pour bureaux
- VILLE: Dourdan (Essonne)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- DIRIGEANT: Thomas Chaudron, 34 ans
- ANNEE DE CREATION: 1997
- EFFECTIF GLOBAL: 40 salariés
- CA 2007: 7 MEuros

ENQUETE

- PROFIL-TYPE DU RESPONSABLE DE RESEAU
Dirigeant d'une entreprise de services de plus de 50 salariés, dans une commune de moins de 20 000 habitants, titulaire d'un bac+ 4/5... Telles sont les caractéristiques des chefs d'entreprise les plus engagés dans des réseaux, d'après une enquête menée en 2005 par l'institut ISL pour Oséo, auprès d'un échantillon représentatif de 1000 dirigeants d'entreprises de 3 à 250 salariés. L'implication augmente aussi avec l'âge et l'ancienneté dans la fonction. Ainsi, 34% des plus de 60 ans prennent des responsabilités dans la vie associative, contre 24% des moins I de 30 ans.

Valérie March, directrice marketing du site de conseils Place des Réseaux

Valérie March, directrice marketing du site de conseils Place des Réseaux

TROIS QUESTIONS A...

Une prise de présidence équivaut à une création d'entreprise


Quelles sont les motivations des dirigeants responsables de réseaux?
Une motivation rationnelle, d'abord: c'est important pour le chef d'entreprise de rencontrer d'autres entrepreneurs, notamment pour développer sa société. Même si le but n'est pas de générer du business pour lui-même, mais de dynamiser tout le tissu économique en général, un dirigeant impliqué permet à son entreprise de se faire connaître. La motivation est également psychologique: inconsciemment, il a envie d'appartenir à un groupe et a besoin d'être reconnu, d'où la volonté de rejoindre un réseau. Prendre le poste de président constitue la contribution ultime.


Quelles qualités faut-il posséder pour exercer cette fonction?
Les qualités d'un président de réseau sont les mêmes que celles d'un entrepreneur, avec une capacité encore plus grande à gérer son temps et à déléguer. Il a un rôle de leader évident, mais doit aussi être un très bon médiateur. En effet, le président doit fédérer des personnes fondamentalement indépendantes, avec de fortes personnalités, qui sont chefs dans leur propre entreprise, alors qu'ils ne bénéficient d'aucun rapport hiérarchique. D'où l'importance de sa capacité d'écoute, de sa diplomatie et de sa rapidité pour prendre des décisions.


Comment préparer l'entreprise à cette prise de distance de son dirigeant?
Une prise de présidence équivaut à une création d'entreprise en termes de temps. Le dirigeant est moins présent dans la société, il doit donc déléguer certaines tâches à des personnes de confiance. Ces changements organisationnel sont un effet bénéfique sur le long terme, car ils restent en général en place après le passage à une fonction importante dans le réseau. Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer le sacrifice sur le temps personnel qu'implique un tel engagement, plus difficile à justifier auprès de sa famille que pour l'entreprise, qui peut bénéficier de retombées positives.

 
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Jeanne CAVELIER

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