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Osez le crowdfunding

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Osez le crowdfunding

Encadré légalement depuis septembre, le financement participatif des entreprises par les internautes est en plein essor. Certaines PME ont collecté jusqu'à un million d'euros, évitant ainsi de passer par la case banque. Mais le crowdfunding a aussi ses codes et ses chausse-trappes. Décryptage.

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Le crowdfunding? Sur le principe, c'est simple: il s'agit de fédérer, via le Web, une communauté de micro-investisseurs croyant suffisamment dans un projet pour le financer par une myriade de petites contributions, avec ou sans contrepartie. Le financement participatif, en bon français, a connu récemment de véritables success story dans le domaine culturel, à l'exemple du film Noob qui a récolté en 2013 près de 700000€ en quelques semaines sur la plateforme Ulule. Après s'être développées aussi dans le domaine de l'économie solidaire (généralement sous forme de dons ou de prêt à taux zéro), ces coopératives 2.0 bousculent maintenant l'univers des PME au point d'apparaître comme une véritable alternative au financement traditionnel. Vous en doutez?

720 000 euros collectés

À titre d'exemple, Muses, jeune société de Conflans-Sainte-Honorine créée en 2009, vient de lever sur Anaxago pas moins de 720000€ pour développer un modèle de camionnette de livraison électrique. De quoi faire réfléchir les dirigeants de PME qui peinent à convaincre leurs banquiers de prendre des risques ou encore ceux qui se méfient des fonds d'investissement.

Sur la soixantaine de plateformes apparues en France depuis 2007, toutes ne se positionnent pas sur le financement des TPE-PME, tant s'en faut. Mais le créneau de l'investissement pur et dur s'apprête à connaître une nouvelle poussée de fièvre, avec l'apparition programmée de nouvelles plateformes. Le décret d'application d'une ordonnance préparée en lien étroit avec les grands opérateurs a été signé le 16 septembre 2014. Et les règles du jeu ont changé: le flou juridique qui régnait jusqu'alors est dissipé et des garde-fous ont été mis en place. Surtout, le monopole bancaire en matière de prêt n'existe tout simplement plus. Les entreprises peuvent maintenant emprunter de l'argent aux particuliers jusqu'à hauteur d'un million d'euros, plafonné à 1000€ par prêteur. L'un des mastodontes français du secteur, Kiss Kiss Bank Bank, a réagi en lançant, le 19 novembre 2014, Lendopolis, une nouvelle plateforme spécialement dédiée au financement des TPE-PME ayant au moins deux années d'existence. Une ­manière pour Vincent Ricordeau, son cofondateur, d'inciter le ­citoyen internaute à "reprendre le contrôle de son épargne en investissant dans l'économie réelle". Et l'initiative n'est pas passée inaperçue puisqu'à l'ouverture de l'appel à projets, Lendopolis a reçu, en moins de trois semaines, ­environ 300 candidatures de PME.

Bref, l'expérience est tentante, d'autant qu'à première vue, une entreprise qui s'y engage ne risque rien. Sauf perdre beaucoup de temps et d'énergie faute de s'être posée les bonnes questions... et d'avoir véritablement compris l'esprit du financement participatif. Première précaution, vous devez être sûr que votre projet sera jugé suffisamment solide... et sexy. Personne ne misera un euro sur une structure en mal de trésorerie ou qui veut changer sa flotte automobile. En clair, vous devez raconter une histoire, et une bonne, en capitalisant, par exemple, sur une innovation technique, sociétale ou environnementale. N'oubliez pas que les plateformes sélectionnent les dossiers, à la fois en fonction de la solidité de l'entreprise et du potentiel du projet. Et, in fine, il faudra bien sûr séduire suffisamment de crowdfunders. "Les investisseurs savent parfaitement qu'il y a des risques et nous nous chargeons de le leur rappeler. Mais ce ne sont pas des lapins de six semaines. Si le projet ne tient pas la route ou s'il ne fait pas sens, ils ne miseront pas dessus", insiste Vincent Ricordeau. Aussi, avant de vous lancer, interrogez-vous: seriez-vous tenté d'investir dans ce projet, si ce n'était pas le vôtre?

Témoignage

"Les investisseurs nous apportent des solutions"

Serge Kinkingnéhun, directeur général de E(ye) Brain

Son Eye Brain Tracker permet de gagner de deux à trois ans sur le diagnostic de graves maladies neurologiques, enenregistrant et en analysant les mouvements oculaires. Et il est si utile qu'un tiers des CHU de France en sont équipés. Mais Serge Kinkingnéhun, docteur en imagerie médicale qui a créé la société E(ye) Brain en 2008, vise maintenant un marché plus large, celui des orthoptistes. Et pour trouver de nouvelles ressources, le crowdfunding lui est apparu comme la solution idéale.

"Pour développer l'Eye Brain Tracker, nous avons bénéficié du soutien de Bpifrance et procédé, en 2009 et 2012, à deux levées de fonds auprès d'investisseurs classiques, explique-t-il. Nous avions encore besoin d'environ 800k€. Nous nous sommes tournés vers Anaxago. Les banques ne nous suivaient pas parce que nous ne pourrions pas faire de bénéfices avant 2017. Et pour une banque, si on ne dépasse pas le point mort dans les deux ans, c'est non..." Au final, E(ye) Brain a réussi à lever 1,2M€ via Anaxago, cédant environ 20% de son capital. Mais Serge Kinkingnéhun ne regrette rien, d'autant que la société y a gagné non seulement de la visibilité, mais aussi une communauté d'investisseurs très impliqués. "Nous les tenons informés grâce à un bulletin et ils sont invités à l'assemblée générale, ajoute Serge Kinkingnéhun. C'est plus une chance qu'une contrainte. Ils ont tout intérêt à faire connaître la société et nous apportent même des idées, notamment en matière de distribution. Ce sont, par exemple, des actionnaires arrivés par Anaxago qui nous ont mis en contact avec des assureurs alors que, franchement, nous n'y avions pas pensé."

E(ye) Brain

Activité : conception et distribution d'aide au diagnostic des maladies neurologiques
Ville : Ivry-sur-Seine (Val de Marne)
Forme juridique : SA
Dirigeant : Serge Kinkingnéhun, 41 ans
Année de création: 2008
Effectif : 15 salariés
CA 2013 : 375k€
CA 2014 : 500k€

Vous devrez ensuite choisir entre les deux grands modèles existants: l'investissement sous forme de participation au capital (crowdinvesting) et le prêt rémunéré (crowdlending), désormais encadré légalement. Dans la première catégorie, on trouve déjà plusieurs plateformes, comme Anaxago, Happy Capital, Particeep, Wiseed ou Smartangels, chacune ayant ses règles propres. Dans la seconde, Lendopolis est, pour l'heure, à peu près seule. Opter pour l'une ou l'autre de ces deux solutions n'est pas un acte anodin.

Des relais

"Proposer aux micro-investisseurs de devenir actionnaires, comme c'est le cas chez nous, suppose une véritable gouvernance, que les PME n'ont pas forcément, explique Joachim Dupont, ­cofondateur et président d'Anaxago. De manière générale, ces nouveaux actionnaires sont nettement moins intrusifs qu'un fonds d'investissement. Ils ont en moyenne 45 ans, ils sont actifs et n'ont pas le temps de venir jouer les trouble-fête dans une assemblée générale. Mais il faut absolument les prendre en compte. On incite les dirigeants à beaucoup communiquer et à mettre en place un comité stratégique. Il faut aussi comprendre que ces ­nouveaux investisseurs ont choisi telle ou telle entreprise parce qu'ils s'intéressent de près à ce qu'elle propose. Ils peuvent servir de relais et même parfois amener de l'expertise technique ou des idées pour la commercialisation."

Le prêt rémunéré est, évidemment, moins ­contraignant... sauf sur le plan purement ­financier. Sur la plateforme Lendopolis, selon le niveau de risque évalué par les analystes maison, les prêteurs seront rémunérés entre 4 et 6% ­d'intérêts sur 24 mois et de 5 à 10% sur 60 mois, c'est-à-dire sur des taux nettement plus élevés que ceux que pratiquent aujourd'hui les banques.

La troisième étape consiste à choisir sa plateforme, ce qui n'est pas aisé dans cette jungle en pleine expansion. De manière générale, privilégiez celles qui ont "pignon sur Web", à la fois pour leur crédibilité et leur notoriété. Ayant déjà levé des sommes considérables ces dernières années, elles aimantent les meilleurs projets et les investisseurs. Sur le Web, la prime aux premiers arrivés est une réalité.

Enfin, et c'est sans doute l'essentiel, il faut comprendre les mécanismes profonds du crowdfunding. "Les entrepreneurs doivent avoir conscience que leur levée de fonds part de leur propre communauté, insiste Vincent Ricordeau, cofondateur de Kiss Kiss Bank Bank et Lendopolis. En clair, si vous n'arrivez pas à convaincre votre cercle proche d'investir, c'est-à-dire votre famille, vos amis, ainsi que vos clients et vos fournisseurs, ça ne marchera pas. Ce sont eux qui assurent d'abord le démarrage avant que d'autres personnes s'y intéressent et investissent. Et le buzz fait le reste. C'est exactement comme lorsque vous arrivez dans une ville inconnue, vous n'allez pas dans les restaurants qui sont vides!" Autrement dit, une fois le projet monté, accepté et mis en ligne, il reste encore à le faire connaître et le défendre tous azimuts. Ce qui suppose par exemple d'en faire activement la promotion sur les réseaux sociaux, professionnels et personnels, pendant toute la durée de la collecte. "Oui, lever des fonds sur une plateforme de crowdfunding, c'est un vrai job", s'amuse Vincent Ricordeau. Mais le jeu en vaut la chandelle: entre 2013 et 2014, les fonds collectés sur l'ensemble des plateformes existantes ont tout simplement doublé, passant de 33 à 66M€. Et ce n'est sans doute qu'un début.

 
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