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Alain Afflelou : une success-story inspirante

Publié par Sandrina Gomes Teixeira le | Mis à jour le
Alain Afflelou : une success-story inspirante

Ayant compris plus tôt que d'autres l'importance de la communication, Alain Afflelou a transformé l'image de la profession d'opticien en développant un nouveau modèle d'affaires basé sur les bas prix et sur le marketing. Portrait.

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Un demi-siècle après l'ouverture de sa première boutique près de Bordeaux, son groupe réalise aujourd'hui presque 1 milliard d'euros de ventes, et comptera bientôt 1 500 magasins dans le monde.

Alain Afflelou, une histoire qui commence à Bordeaux

Alain Afflelou posera les premières pierres de son empire au coeur de la région bordelaise. Il retrouve Bouscat, fief de sa famille pied-noire depuis leur départ d'Algérie en 1962 (au moment de l'indépendance). Fraîchement diplômé de l'institut et centre d'optométrie de Bures-sur-Yvette (en mars 1962), le jeune homme se lance dans le secteur d'activité qui fera son succès et sa fortune : il ouvre son tout premier magasin d'optique, avec lequel il apprendra tout.

Pour autant, se lancer si tôt dans l'entrepreneuriat n'était pas son premier choix. Avec un double diplôme en poche d'audioprothésiste et d'opticien, il pensait trouver aisément du travail dans une entreprise existante, pour apprendre les ficelles du métier. Hélas, malgré ses nombreuses tentatives, les portes des opticiens locaux restent fermées. Officiellement, on lui reproche son "inexpérience" comme fin de non-recevoir. Qu'à cela ne tienne, il ne se décourage pas, et décide à la place de se lancer à son propre compte !

Dès ses débuts, il trouve son secteur d'activité bien trop engoncé et vieillot. La plupart des opticiens, voulant se donner une image de sérieux, portaient à l'époque la blouse blanche alors même qu'ils ne sont pas des praticiens ophtalmologues. Vêtement qu'il décidera de bannir de son enseigne. Et personne ne s'adonnait vraiment à la publicité dans le milieu, car porter des lunettes était "considéré comme un malheur", et la concurrence était faible. En outre, les opticiens avaient pour habitude de cacher les montures sous les comptoirs.

Souhaitant dépoussiérer cette image, Alain Afflelou apporte une touche de modernité, dès l'ouverture de son premier magasin. Il installe de beaux espaces pour exposer l'ensemble des lunettes, et permettre aux clients de les toucher et de les tester facilement. De nos jours, cela semble aller de soi. Mais, au début des années 1970, c'était quasi-révolutionnaire. Une autre distinction notable, dès les prémisses, est son goût pour la communication, passant par le recours à des campagnes de pubs pour attirer les clients. Certains confrères sont d'ailleurs choqués, estimant que le nouveau venu "pousse le bouchon un peu trop loin".

De l'art d'innover et de se démarquer pour survivre

Cinq années après l'ouverture de ce premier magasin, Alain Afflelou fait face au premier grand défi de sa carrière, et certainement pas le dernier : les accords d'exclusivité. Dans le voisinage, il voit de plus en plus d'opticiens le concurrencer, en nouant ce type de contrats avec des mutuelles. Concrètement : ces dernières envoient leurs assurés vers les opticiens signataires, qui instaurent en échange le tiers payant pour le compte des mutuelles, avec un temps d'avance sur le reste du pays. Ce qui permet aux clients d'obtenir un remboursement sur leurs lunettes immédiat, sans attendre, dès l'achat. Redoutable sur le plan concurrentiel. L'homme d'affaires commence alors à perdre de la clientèle...

Tout d'abord, Alain Afflelou espère pouvoir les rejoindre dans ce deal lucratif. Toutefois, il se rend vite compte que ses compétiteurs ne l'entendent pas de cette oreille, eux qui font tout pour décourager l'implantation de nouveaux magasins. Le jeune entrepreneur n'est in fine pas associé aux négociations, sous le prétexte d'être nouveau sur le marché et de ne pas être syndiqué. Et quand il tente de syndiquer, c'est bien sûr un refus qui lui est opposé...

Comprenant le danger dans lequel il se trouve, et le besoin de se démarquer rapidement pour ne pas sombrer, il réagit aussitôt. Pour ramener les clients vers lui, il met en place une généreuse promotion, le tout accompagné par une campagne publicitaire ambitieuse. Il vend ses montures à moitié prix, quitte à réduire sa marge, afin de faire revenir les clients. Sur les bus de la ville, les affiches placardées annoncent la couleur de façon maligne : "La moitié de votre monture à l'oeil chez Alain Afflelou". Un choix qui impacte sa marge certes, mais l'idée est de compenser le manque à gagner grâce à l'augmentation des ventes.

Le résultat dépasse de loin ses espérances : la clientèle revient en masse suite à cette politique de prix bas, au point de lui permettre d'ouvrir une seconde enseigne, puis très vite une troisième dans la même ville ! Même si cela lui demande beaucoup d'énergie que de gérer ces autres points de vente. Ce nouveau modèle mélangeant prix attractif et marketing agressif plaît grandement, et la renommée d'Alain Afflelou s'étend au-delà du bordelais. Le bouche-à-oreille fonctionne en faveur du jeune opticien qui "bouscule le marché". Dans les publicités, le slogan emblématique "On est fou d'Afflelou" s'impose comme une évidence.

Très vite, il commence à voir des confrères d'autres villes le contacter, désireux de faire la même chose, dans leur localité. S'occupant déjà de plusieurs magasins, le dirigeant ne peut se permettre de gérer ces autres espaces personnellement. C'est ainsi qu'il fait de son nom une franchise, dès 1978. Une solution élégante qui permet au chef d'entreprise de s'étendre, sans mettre tous les oeufs dans le même panier. Son premier magasin, situé au Bouscat s'appelait OPTICA, en 1972, et le modèle commence à se répandre de plus en plus rapidement dans toute la France. La plupart des régions sont couvertes en quelques années.

Savoir s'avouer vaincu... pour mieux rebondir !

Du côté de ses concurrents, l'accueil est beaucoup moins chaleureux, pour rester poli. Les opticiens de Gironde et d'ailleurs, effrayés par ce business model, se coalisent afin de faire chuter l'homme d'affaires, en se mettant d'accord pour boycotter les fournisseurs travaillant avec lui. L'idée est clairement de l'étouffer. Mais Alain Afflelou, l'entrepreneur, est agile, et se débrouille pour trouver des solutions de substitution. Au travers d'un approvisionnement à l'étranger, il parvient à surmonter cette attaque... et à baisser ses coûts.

Par la suite, les opticiens mécontents changent de tactique, et Alain Afflelou fait alors face au deuxième plus grand challenge de sa carrière : les actions en justice à répétition. Dans le cadre de cette guérilla judiciaire, ses rivaux vont lui intenter un nouveau procès dans chaque ville où une implantation a lieu. Il est vrai qu'en France la pratique d'un rabais est fortement encadrée par la loi, et il est interdit de réaliser une remise permanente sur un prix. Toute réduction doit avoir lieu sur un prix ayant été pratiqué pendant au moins un mois.

Ce qui signifie que les magasins Afflelou devraient, en théorie, ne vendre à moitié prix que "par rapport au mois précédent". Une règle résolument incompatible avec le business model basé sur ce fameux rabais de 50% sur les montures, pratiqué toute l'année. Et si l'innovateur gagne parfois des procès, il en perd aussi beaucoup. Se sentant pris au piège, dans une impasse, et fatigué par cet acharnement judiciaire, il finit par jeter l'éponge. Après tout, si c'est interdit, c'est interdit. Même si les clients adorent le concept !

Pour contrer cette menace, il rebondit en poussant son concept encore plus loin. Au lieu d'une simple remise, Alain Afflelou appliquera désormais le concept des montures "à prix coûtant" ! L'objectif reste néanmoins identique au précédent : compenser les faibles marges par l'afflux de clients et de commandes. Certains dans l'entourage du dirigeant s'inquiètent du risque de voir les bénéfices des montures disparaître purement et simplement. En tout cas, au départ. Puis très vite, il apparaît que la marge sur les verres suffit amplement, dès lors que les volumes sont importants. La franchise continue de prospérer, et dépasse la centaine de magasins, dès le début des années 1980.

Une autre idée de génie : le concept Tchin Tchin

Le succès de la marque Alain Afflelou ne cesse de prendre de l'ampleur. Cependant, vers le milieu des années 1990, le concept commence un peu à s'essouffler, la concurrence devient plus rude, et le groupe entame une période de stagnation. Les acheteurs se sont habitués aux petits prix, et n'hésitent plus à négocier et à réclamer directement des remises. Chose qui aurait été impensable avant la création de l'entreprise. Victime de son propre succès en quelque sorte, la marque n'arrive plus à croître. Un brainstorming est alors organisé dans la société, pour relancer la franchise et lui redonner du souffle.

C'est à ce moment-là qu'une nouvelle idée de génie émerge : proposer une seconde paire de lunettes "pour un franc de plus", puis très vite avec le changement de monnaie "pour un euro de plus". En calculant le montant moyen des remises, les équipes se rendent compte que cela pourrait couvrir au final, à condition de modifier l'organisation et de faire des gains de productivité, le coût de revient d'une seconde paire. Le concept "Tchin Tchin d'Afflelou" est né, et vient remplacer celui de la monture à prix coûtant. Pour les clients, qui craignent sans cesse de perdre ou casser leurs lunettes, l'idée de posséder une seconde paire (de rechange) pour presque rien est encore plus attractive que celle d'obtenir une remise.


C'est à nouveau un formidable succès pour la franchise, qui finit par repartir de l'avant et progresser à nouveau, tant en nombre de clients qu'en chiffre d'affaires. Parallèlement, la société entame son expansion internationale. La première boutique à l'étranger est ouverte en Belgique, en 1995. Quelques années plus tard, l'entreprise rachète le réseau Carrefour Optique, et plusieurs dizaines de magasins sont repris en Espagne. En 2009, l'entreprise Alain Afflelou compte plus de 1 000 boutiques dans le monde.

La croissance organique vers l'audio et le digital

A partir de 2011, Alain Afflelou estime qu'il est temps d'explorer de nouveaux horizons dans les audioprothèses, et le groupe franchiseur lance la chaîne "Alain Afflelou Acousticien". Il s'agit d'appliquer au domaine de l'audition le succès connu dans l'optique, c'est-à-dire de démocratiser l'accès aux prothèses auditives, en dépoussiérant le marketing dans ce secteur et en dédramatisant le recours à ces solutions auprès du public.

Ces nouveaux points de vente sont tantôt de simples corners installés dans les magasins d'optique existants, tantôt des magasins à part entière dédiés aux audioprothèses. C'est une fois encore un grand succès : les magasins d'optique Alain Afflelou qui proposent un service audio connaissant une croissance jusqu'à trois fois plus rapide que les autres. Et ce, grâce à l'arrivée d'une clientèle de seniors, dont le nombre ne cesse de grossir.

L'autre axe de développement concerne le digital. La franchise s'est lancée dans ce vaste chantier au travers de ses propres services en ligne à l'adresse Afflelou.com, complétés par l'acquisition de plateformes rivales telles que Happyview.fr et Malentille.com. Divers services sont ainsi proposés sur ces sites : accès au catalogue complet, commandes en ligne, prise de rendez-vous, contact rapide du service client, etc. Pour autant, le besoin de tester et d'essayer les lunettes (ou les audioprothèses) demeure. Pour les clients, il est essentiel de pouvoir ajuster les produits à leurs besoins spécifiques. Les magasins physiques continueront donc d'avoir une belle vie devant eux !

Enfin, en quête de reconnaissance et de légitimité à l'international, la franchise Alain Afflelou contacte en 2014 l'actrice américaine Sharon Stone pour en faire sa nouvelle égérie. Le but de cette transformation radicale est de donner au groupe une image plus cosmopolite, et de rompre quelque peu avec l'ambiance franchouillarde qui prédominait jusqu'ici. Ce virage accompagne l'accent qui est mis sur le développement à l'étranger, avec notamment l'ouverture de magasins en Asie, en Afrique, et au Moyen-Orient.

Alain Afflelou passe la main... à l'un de ses fils

Aujourd'hui âgé de 74 ans, l'entrepreneur conserve toujours la main sur la stratégie de développement de son groupe, ainsi que sur la communication, même s'il a fini par lâcher les commandes de l'opérationnel depuis 2012. Plusieurs fois par mois, il se rend au siège parisien de la franchise pour y accueillir les nouveaux franchisés qui rejoignent le groupe, tout en réfléchissant aux secteurs et aux marchés à développer.

Au cours de son incroyable carrière, durant laquelle il aura converti l'optique puis l'audition au marketing, le leader aguerri a été désigné deux fois patron préféré des Français, et il fait régulièrement partie des tout premiers cités dans ce type de classement. Sur les publicités comme dans les boutiques, il est d'ailleurs toujours mis en avant. Preuve s'il en est de l'attachement des Français, des franchisés, et des autres entrepreneurs pour sa personnalité hors du commun.

Après son éloignement des postes de direction, le rôle de PDG a été confié à des figures successives : Frédéric Poux de 2012 à 2018, Didier Pascual de 2018 à 2020, puis Alain Pourcelot en 2021. Très récemment, en juin 2022, Anthony Afflelou, le fils benjamin de l'entrepreneur, est devenu le directeur général du Groupe AFFLELOU. Si deux de ses frères occupent ou ont occupé par le passé des postes importants dans l'entreprise, c'est la première fois qu'un des enfants d'Alain Afflelou accède à un tel poste de direction. Ce qui laisse entrevoir une possible succession familiale à la tête de l'entreprise...

Quelle est la fortune d'Alain Afflelou aujourd'hui ?

Concernant la franchise, elle a temporairement été introduite en bourse en 2002, avant d'être majoritairement rachetée par le fonds d'investissement britannique Bridgepoint en 2008, puis par le fonds d'investissement Lion Capital en 2012. Ce dernier détient toujours près de 40 % du capital. Le reste de l'entreprise est détenu par la Caisse des dépôts et consignations du Québec (30 %), le fonds Apax Partners (14 %), et bien entendu par Alain Afflelou lui-même (14 % également). Le groupe ayant une valorisation située légèrement en dessous du milliard d'euros, on peut estimer que la fortune professionnelle de l'entrepreneur est comprise entre 100 et 150 millions d'euros aujourd'hui.

Le groupe optique et audio réalise désormais près d'un milliard d'euros de ventes chaque année, au niveau mondial, dont les deux tiers proviennent de France. Et, tous les ans, ce sont près de 3 millions de lunettes Afflelou qui sont vendues dans le monde. En 2022, le réseau constitue le 1er réseau de franchise de produits d'optique et d'aides auditives en France, avec 850 magasins dans le pays, et près de 1 500 en comptant ceux installés l'étranger à travers 19 pays. Et c'est le troisième groupe d'optique d'Europe.

Cinquante ans après l'ouverture du premier magasin, le groupe continue d'appliquer la recette qui a fait son succès : l'innovation permanente, l'écoute du client, un marketing astucieux, et la profonde passion pour les métiers d'opticien et d'audioprothésiste.

 
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