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Manager des salariés plus âgés que soi

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Que vous soyez dirigeant junior ou senior, avec l'allongement des carrières professionnelles, vous serez de plus en plus amené à gérer des collaborateurs plus âgés. Quelle attitude adopter pour que cette différence d'âge ne se transforme pas en handicap? Retour d'expériences.

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Difficile de manager quelqu'un de plus âgé que soi, dont on ne partage pas forcément la culture, le rythme, les motivations... Eric Bennephtali, 24 ans, directeur général de Mediastay - éditeur de Kingoloto.com, première loterie hexagonale à cadeaux en ligne - a ainsi préféré se séparer d'une salariée plus expérimentée, embauchée pour gérer une équipe de cinq personnes. «Elle prônait un management à l'ancienne, différent de celui qui existe dans l'entreprise, avec par exemple des horaires imposés, raconte ce dirigeant précoce, qui a fondé sa première entreprise à 16 ans. Malgré des résultats satisfaisants, nous avons clairement choisi de privilégier la cohérence des équipes en nous séparant de cette personne.»

@ SANDRA GLIGORIJEVIC/FOTOLIA/LD

Fixer un cadre clair. Toutefois, ces échecs - souvent tout relatifs - ne doivent pas masquer de nombreuses expériences positives. Le tout est de savoir s'adapter à ces salariés plus âgés en leur fixant un cadre clair. Bien que novices dans le secteur du bâtiment et handicapés par une mauvaise image de «financiers, fils du patron», Michael et Fabien Bertini, 28 et 31 ans, n'ont pas hésité à reprendre la société fondée par leur père, L'Atelier des compagnons. Or, 95% des salariés étaient plus âgés que leurs dirigeants, et une majorité d'entre eux les avait même vus grandir. Pour s'imposer et paraître crédibles auprès des plus anciens les deux frères se sont mis à niveau techniquement. «Nous avons beaucoup sollicité les plus expérimentés qui nous ont expliqué le métier raconte Michael Bertini. J'ai fait le manoeuvre sur un chantier abattu des murs... Notre démarche les a mis en confiance. Ils étaient même fiers de nous transmettre leur savoir-faire.» Nullement gênés de parler de leurs lacunes, les dirigeants ont également instauré un management collaboratif, en supprimant les contraintes hiérarchiques instituées par leur père. «C'était un besoin, mais ce ne devait pas être perçu comme une faiblesse, précise Michael Bertini. Grâce à nos compétences, nous avons mis en oeuvre de nouvelles méthodes de travail et aidé nos collaborateurs à progresser sur le plan commercial et marketing... Si l'échange d'expériences ne s'était effectué que dans un seul sens, je me serais interrogé sur ma place dans l'entreprise.»

ERIC BENNEPHTALI, directeur général de mediastay

Nous avons choisi de privilégier la cohérence des équipes en nous séparant d'une salariée senior.

Pour se faire accepter des plus expérimentés, deux écueils ont été évités par les deux jeunes chefs d'entreprise: laisser leurs salariés livrés à eux-mêmes ou, à l'inverse, les brider par de nombreuses directives. Nathalie Esnault, responsable du pôle études au groupe de formation et de conseil Cegos, approuve cet équilibre: «Le dirigeant doit définir ce qu'il peut apporter à ses collaborateurs plus âgés. De plus, il ne doit surtout pas hésiter à leur demander ce qu'ils attendent de lui en matière de management.» Toutefois, établir une confiance mutuelle n'est pas toujours chose aisée, notamment lorsque l'expérience et la liberté de parole d'un salarié senior impressionnent son jeune manager. Celui-ci peut alors se retrouver face à un donneur de leçons. «Vous devez prendre son point de vue en considération, mais sans acquiescer en permanence. Affichez votre valeur ajoutée, c'est-à-dire un rôle defacilitateur qui trace une direction et met en place les changements», souligne Nathalie Esnault. Cette attitude est d'autant plus nécessaire si le salarié s'avère peu efficace. «J'ai rencontré ce problème dans mon équipe. L'un de mes collaborateurs se croyait tout permis en raison de son âge et donnait constamment des conseils, sans discernement. Pire, il ne fournissait pas le travail que j'attendais de lui et des salariés plus jeunes ont été froissés par sa manière de parler.» Face à cette dérive comportementale, la manager a rappelé à son salarié les valeurs de l'entreprise et lui a fait prendre conscience de l'effet délétère d'un tel ton à l'égard des autres membres de son équipe.

Inversement, si vous êtes confronté à un salarié âgé et très performant, veillez à ne pas le transformer en rival. C'est le piège dans lequel est tombé Philippe Tramond, fondateur et gérant du cabinet de conseil Pilotis. En 1998, il a embauché une personne de six ans son aînée, avec une longue expérience de la direction d'entreprise. «Ce recrutement a failli déstabiliser l'un de mes associés, plus jeune, mais aux responsabilités plus importantes, confie le dirigeant. Le salarié senior, que j'ai inclus d'emblée au comité de direction, a voulu s'imposer comme mon second sur l'ensemble des domaines. J'ai rétabli les choses en le nommant à la tête d'une filiale. Sans cet éloignement, j'aurais perdu mon associé dynamique qui connaissait davantage l'entreprise, mais qui se mettait en retrait par peur de commettre des erreurs.» Pour éviter de se laisser envahir, Philippe Tramond a institué un «contrat relationnel» avec son collaborateur, définissant la place de ce dernier au sein de l'entreprise: fixation d'objectifs clairs et précis quant à son domaine d'intervention, mise en place de reportings d'activité, adoption d'une posture d'écoute et non de mentor vis-à-vis de l'équipe. Par ailleurs, le chef d'entreprise redéfinit, chaque année, une lettre de mission. Aujourd'hui, il ne craint plus de recruter des salariés de plus de 55 ans; «un bel apport de compétences» selon lui.

un management tout en souplesse.

Malheureusement, de nombreux dirigeants ne procèdent pas comme Philippe Tramond. Ils oublient de gérer la question des âges, mission de management essentielle pour éviter la démotivation, la résistance au changement, la perte de productivité, etc. Pour plus de 80% des entreprises interrogées par OpcaliaEtude menée par l'organisme collecteur paritaire Opcalia, en partenariat avec l'Institut Opinion Way et le cabinet Catalys Conseil, auprès de 853 dirigeants ou DRH de PME entre le 1er avril 2006 et le 30 juin 2007, dans six régions de France.; (troisième collecteur national au titre de la formation professionnelle continue), la gestion des seniors ne représente pas un enjeu et n'est pas différenciée de celle des autres salariés. L'organisme a publié un recueil des bonnes pratiques, intitulé Seniors, modes d'emplois. Michael et Fabien Bertini n'ont pas attendu pour les mettre en oeuvre. Besoin de deux heures ou d'une demi-journée pour consulter un médecin? Ces absences dues à l'âge ne sont pas comptabilisées. Lorsque l'un des ouvriers a contracté de l'asthme à la cinquantaine, ils l'ont transféré à un poste administratif. Pour un autre, ayant atteint l'âge de la retraite mais souhaitant rester en poste, ils ont diminué son temps de travail. Un management en souplesse cohérent avec leur souhait de s'imposer malgré la différence d'âge.

TEMOIGNAGE
Je délègue sans me faire déborder
CLEMENT BENOIT, cogérant de Resto-In

«Ce n'est pas évident pour un directeur commercial d'une quarantaine d'années, de recevoir des conseils de petits jeunes comme nous, lorsque les choses ne se passent pas comme on le souhaiterait», estime Clément Benoît, gérant, à 25 ans, de la société de livraison de repas parisienne Resto-In. Peu après avoir créé la société en 2005 avec son associée Pilar Granell, à peine plus âgée, le jeune chef d'entreprise a recruté une dizaine de seniors, très autonomes, dans les domaines qu'ils ne maîtrisaient pas: vente, comptabilité, informatique...
Des quadras motivés par le concept de leur entreprise, mais sans rivalité, d'après Clément Benoît, qui a appris l'art de déléguer tout en faisant respecter ses décisions. «Les salariés plus âgés ont besoin de sentir que le chef d'entreprise contrôle, affirme-t-il. C'est mon projet, personne ne le connaît mieux que moi. A partir du moment où vous êtes professionnel et sérieux, ils le ressentent et l'âge n'est pas une barrière.» Le cogérant se montre tout de même plus souple et diplomate avec les générations précédentes qu'avec les juniors. Ce qui ne l'empêche pas, en cas de conflit, de s'imposer. Même s'il fait parfois face à des difficultés de management, Clément Benoît ne renoncerait pour rien au monde à embaucher des seniors. «Grâce à eux, je gagne du temps et de l'argent.»

RESTO-IN - repères

ACTIVITE: Livraison de repas à domicile
VILLE: Paris (XVIe arrondissement)
FORME JURIDIQUE: SARL
DATE DE CREATION: 2005
DIRIGEANTS: Clément Benoît, 25 ans, et Pilar Granell, 27 ans
EFFECTIF: 50 salariés
CHIFFRE D'AFFAiRES 2007: 2,5 MEuros
RESULTAT NET 2007: 250 000 Euros

AVIS d'EXPERT
Pour manager des seniors, il faut faire un travail sur soi
SABINE MOUDILENO, auteur de Prévenir et déjouer la discrimination professionnellePrévenir et déjouer lia discrimination?^professionnelle, par Sabine Moudileno, Editions Démos, janvier 2008, 172 pages, 20 Euros.

Premier conseil de Sabine Moudileno face à des salariés plus âgés que soi: ne pas se montrer trop spécifique et se donner le temps de les observer, sans préjugés. L'auteur de l'ouvrage Prévenir et déjouer la discrimination professionnelle estime que les codes de respect diffèrent d'une génération à l'autre. «Mieux vaut être circonspect pour le tutoiement et vigilant sur la réciprocité, estime la consultante. Alors que le jeune dirigeant pense qu'il l'emploiera dans une volonté de proximité, le salarié - pour qui le vouvoiement est une forme de respect - considérera que le tutoiement lui est imposé.» Sabine Moudileno remarque également que les générations plus anciennes, parfois rétives à l'écrit ou l'e-mail, attendent davantage de contacts physiques directs. Autre écueil pointé par l'auteur: quand le chef d'entreprise se positionne dans une relation de domination parent-enfant. «Même-si cette situation est difficile et qu'il faut y mettre les formes, le dirigeant ne doit pas hésiter à recadrer des salariés qui pourraient être ses parents, souligne la consultante. C'est un travail à faire sur soi, car les collaborateurs, eux, savent quand l'intervention du manager est légitime.» D'autant que dans une relation saine, cette différence d'âge peut être valorisée. «Le chef d'entreprise ne doit pas avoir peur de demander l'avis d'un salarié plus expérimenté sur un sujet que ce dernier maîtrise, ou encore de lui confier le tutorat de nouveaux entrants, ce qui favorise la transmission de compétences», indique Sabine Moudileno. Un bon remède face à une éventuelle baisse de motivation observée chez certains seniors. Pour ceux qui craignent la concurrence des plus jeunes et réagissent de manière défensive (en refusant, par exemple, de transmettre leurs savoirs), il faut les associer au futur de l'entreprise.
Et ne pas les oublier lors des plans de formation, pour les aider à maintenir leur niveau de compétences.

 
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Jeanne CAVELIER

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