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Communication : faut-il travailler avec les influenceurs ?

Publié par José Roda le | Mis à jour le

Qui sont les influenceurs DIY et bricolage les plus connus ?

Toucher l'audience d'un créateur de contenu. Une ambition qui a pu être douchée par les errements de certains influenceurs peu scrupuleux. Faut-il pour autant renoncer au marketing d'influence ?

Le début de l'année 2023 aura été houleux pour le monde de l'influence ! Depuis plusieurs mois, les polémiques, les scandales défraient la chronique et certaines stars de l'influence sont épinglées pour des dérives qui dégradent l'image d'un secteur d'activité tout entier. À la fin janvier, le groupe Meta annonçait même la fermeture des comptes Instagram de Marc et Nadé Blata et de Laurent Bilionnaire. Une décision qui fait suite à la plainte pour escroquerie et abus de confiance déposée par le Collectif AVI contre Marc Blata et sa compagne Nadé et la plateforme Animoon.

Du côté des autorités, le phénomène est jugé suffisamment inquiétant pour que le cabinet de Bruno Le Maire ait lancé une consultation publique en vue « d'encadrer l'ensemble des pratiques en lien avec la promotion et le placement de produits réalisés par les influenceurs sur les réseaux sociaux ». Cette consultation organisée du 9 au 31 janvier a permis d'identifier différentes actions prioritaires. Parmi les plus symboliques, 86 % des participants ont mentionné l'interdiction de la promotion de certaines marchandises par les influenceurs, notamment les produits financiers et ceux liés à la santé. Mais alors que l'opinion s'emballe, c'est toute la "creator economy" qui vacille car le potentiel du marketing d'influence, notamment pour les marques, est considérable !

Selon une étude intitulée "The State of Influencer Marketing Benchmark Report 2023", le marketing d'influence devrait ainsi générer cette année, dans le monde, près de 21,1 milliards de dollars de revenus contre 16,4 milliards en 2022 !

Marketing d'influence : un monde complexe

« L'influence est un terme trop large pour décrire, à lui seul, la réalité du terrain. Il faut distinguer les créateurs de contenu des influenceurs issus de shows télévisés, qui défraient malheureusement la chronique à l'heure actuelle », affirme Carine Fernandez, fondatrice de Point d'Orgue et présidente de l'UMICC. Alors que les premiers sont d'abord des passionnés qui ont gagné leur légitimité et leur crédibilité à force de travail et d'implication, les autres ont saisi l'opportunité d'une visibilité amplifiée pour développer une nouvelle activité. « Le premier conseil à donner à une entreprise qui souhaite s'engager sur le marketing d'influence, explique Galo Diallo, fondateur de l'agence Smile Conseil et vice-président de l'UMICC , c'est de se renseigner sur l'écosystème lui-même. Il faut savoir où l'on met les pieds.

Le phénomène reste nouveau et le pire côtoie encore bien souvent le meilleur. » Pour une entreprise qui souhaite exploiter l'influence marketing, le choix du créateur de contenu est déterminant. Le principal critère n'est pas tant la taille de sa communauté, que son adéquation avec les valeurs de l'entreprise, son discours ou son positionnement. « Le secret de l'influence, c'est l'authenticité de la démarche qui anime à la fois l'annonceur et le créateur de contenus. Cette notion d'authenticité, de sincérité est centrale car les communautés sont souvent très exigeantes et très critiques à la fois », précise Galo Diallo. Une réalité encore plus tangible, lorsqu'il est question d'influence BtoB. « L'influence BtoB obéit à des codes très différents. Nos campagnes ciblent des décideurs. Si le créateur de contenu commet une erreur, oublie le hashtag #collaboration, que sa communauté n'est pas alignée avec les propos tenus... Les conséquences peuvent être bien plus dramatiques que dans l'influence BtoC », explique Clifford Mahu, cofondateur de l'agence Les Années Folles. Influence BtoB ou BtoC, le recours à l'intermédiation d'une agence constitue souvent un atout majeur.

S'il est possible de se lancer seul en utilisant une plateforme comme Kolsquare pour identifier un créateur de contenu avec lequel une entreprise pourrait envisager un partenariat, « l'agence apporte de la valeur pour les créateurs comme pour les marques en protégeant toutes les parties prenantes, précise Clifford Mahu. Nous avons bâti notre démarche en la fondant sur un principe d'encadrement. Tous les partenariats font par exemple l'objet d'un contrat, ce qui surprend encore certaines marques avec lesquelles nous collaborons. »

Creator economy : vers davantage d'encadrement

« En tant qu'utilisatrice des réseaux sociaux, je suis ulcérée lorsque je détecte un post sponsorisé qui n'est pas directement en lien avec la personne que je suis. Je m'applique donc une règle de conduite stricte et n'accepte que les partenariats susceptibles d'avoir une plus-value pour ma communauté », confie Florence Bernier, créatrice de contenu spécialisée en droit social. Du sens et de l'honnêteté car la règle d'or de l'influence, c'est la transparence ! Transparence vis-à-vis des annonceurs quant à la nature et à la taille de la communauté. Transparence vis-à-vis des communautés sur le caractère sponsorisé de certaines prises de parole. Une transparence qui est au coeur de la charte de l'UMICC (Union des Métiers de l'Influence et des Créateurs de Contenus), une fédération qui a vu le jour à la mi-janvier.

Sept agences d'influence BtoC qui cumulent plus d'une centaine de créateurs de contenu comptant entre 100 000 et 18 millions d'abonnés sur Youtube, Instagram, TikTok et Snapchat. « L'UMICC a vocation à lutter contre cet amalgame permanent entre des mondes très différents. Il y a quelques influenceurs dont on parle tout le temps, qui jettent l'opprobre sur le travail sérieux, régulier, de quelque 150 000 créateurs de contenu », s'insurge Carine Fernandez qui confesse une ambition : montrer ce qu'est la creator economy, en s'appuyant sur des exemples plus représentatifs de la réalité de ce secteur d'activité, à l'image d'un Z event organisé par Zerator, qui récolte 10 millions d'euros pour des associations. « La charte de l'UMICC est une description en réaction à ce qui se fait mal dans la profession. Elle constitue un cadre auquel les nouveaux arrivants dans le monde de la création de contenu pourront se rattacher. »

Une vision partagée par Galo Diallo : « L'UMICC est née d'une conviction que les 7 agences fondatrices avaient en commun : le temps était venu de prendre nos responsabilités. Nous avons considéré qu'au-delà de bien faire, chacun dans son agence, il fallait faire avancer toute la profession dans son ensemble. »

Entre déontologie et créativité

Les créateurs de contenu sont, dans leur immense majorité, des personnes soucieuses d'abord et avant tout de leur légitimité et de leur crédibilité. « Il est très important pour moi d'avoir un contrôle sur les partenariats. Il y a une vraie démarche de co-création avec les partenaires en amont des campagnes. Le fait d'avoir une communauté de valeurs avec les entreprises, que les produits ou les services puissent apporter une valeur ajoutée à mes audiences, sont des éléments déterminants pour que je puisse accepter une campagne », explique Amélie Favre-Guittet, fondatrice de Talent Management Group en 2014 avec son conjoint. Fédérant une communauté de plus de 255 000 membres sur LinkedIn, sa ligne de conduite est claire : « Je considère que si ces personnes me suivent, c'est qu'elles apprécient ma façon de m'exprimer, qu'elles partagent (au moins en partie !) mes opinions. Je suis donc très attentive, pour toutes les campagnes que j'accepte, à ce que ce soit vraiment moi qui m'exprime, à ma manière, ne serait-ce que par respect pour ma communauté ». Un constat partagé par Antoine Keraudy qui s'est spécialisé sur la question du Handicap : « L'influence, c'est quelque chose qui se construit dans la durée. D'un besoin personnel, j'ai eu l'envie d'aider une communauté. Il s'agissait d'abord d'un engagement avant d'être un métier. Cela m'a pris près de 10 ans, avant d'avoir cette capacité d'influence ».


En cumulant les communautés LinkedIn, Facebook et Twitter, près de 60 000 personnes le suivent sur les réseaux sociaux. « Chaque partenariat met en jeu l'image que je véhicule auprès de mes communautés, je ne m'accorde aucun droit à l'erreur, aucun débordement sur le plan déontologique. » Comparant l'influence à un château de cartes, Antoine Keraudy est conscient que l'édifice est toujours fragile : « Il est précieux et il faut lui apporter un soin constant pour ne pas briser la confiance des membres de la communauté ».

Ne vous fiez pas à cette accroche à la tonalité grammaticale approximative. Derrière celle-ci se trouve Benjamin Grosjean, ingénieur de 27 ans et créateur de contenus. La communauté de Benjamin Workshop, ce sont près de 300 000 membres qui suivent les projets fous de son animateur. Passionné de mécanique, Benjamin est un représentant de la communauté des Makers. « J'avais deux passions, bricoler, notamment en mécanique et la réalisation de vidéo. J'ai réussi d'une certaine façon à faire la synthèse des deux » ... Son premier projet : construire la réplique d'une Ford GT 40.

Quatre ans de travail et des dizaines de vidéos qui lui permettent non seulement de partager ses passions mais aussi de monétiser ces contenus pour financer son projet. Des vidéos de qualité, une tonalité éditoriale affirmée, l'approche de Benjamin Grosjean n'a jamais été approximative. « Dès les débuts, j'ai accordé beaucoup de soin à mes contenus car si le développement d'une certaine forme d'influence n'était pas ma priorité, je voulais être crédible ». Alors qu'il vient de se lancer le défi de concevoir de toutes pièces une hypercar, Benjamin Grosjean est officiellement ambassadeur du concours des Makers dans le cadre des Golden Tech, organisé en marge du salon Global Industrie. Un positionnement autant B2B que B2C qui lui valent l'intérêt d'acteurs de renom.

Des partenariats avec Michelin ou encore Dassault Systèmes, l'influence de Benjamin Workshop se développe. « Il faut toujours rester vigilant et faire attention à ne pas prendre la grosse tête ! ». Pour y parvenir, le créateur de contenus sait pouvoir compter sur son entourage. « Il faut aussi donner un sens plus large à ce que l'on fait. Se remettre en question en permanence et se dire que l'influence c'est une responsabilité. Si je peux contribuer à faire naître des vocations, susciter de la curiosité, alors j'ai déjà tout gagné ».

61 % des Français éprouvent de la sympathie pour les créateurs de contenu 43 % de la confiance