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Sylvia Pinel :"Le gouvernement est totalement mobilisé pour la défense de nos entreprises"

Publié par Julien van der Feer le | Mis à jour le

Pacte pour l'artisanat, financements des entreprises artisanales par Bpifrance, TVA à taux réduit dans la rénovation énergétique ou bien régime de l'auto-entrepreneur. Sylvia Pinel, ministre de l'Artisanat et du Commerce, dresse un bilan de ses actions depuis sa prise de fonction.

Sylvia Pinel, bonjour. Vous avez pris vos fonctions de ministre de l'Artisanat, du Commerce et du Tourisme en mai 2012. Quelle est votre appétence pour le secteur de l'artisanat, et particulièrement celui du bâtiment?

Vous vous rappelez certainement que mon père était boucher à Toulouse et que, par la suite, il a repris une exploitation agricole avec ma mère. En tant qu'élue locale, je connais le rôle particulier que jouent les artisans et les commerçants dans le développement économique de nos régions. Certes, je n'étais pas une députée spécialisée dans ces questions, car je siégeais en Commission des lois. Mais mon parcours personnel et professionnel fait que je connais bien les problématiques des artisans.

Pouvez-vous dresser un premier bilan de votre Pacte pour l'artisanat?

Il a été lancé en janvier et contient des dispositions précises pour le secteur du bâtiment. Je pense notamment à la valorisation des métiers auprès des jeunes, la promotion des savoir-faire et la défense du statut d'artisan, trois points très importants dans le BTP.

Et puis, il y a ma volonté de favoriser le développement des groupements d'entreprises et des coopératives artisanales. C'est un véritable enjeu pour l'accès aux marchés publics, voire certains marchés privés. Dans mes déplacements, je rencontre souvent des groupements d'artisans m'indiquant l'intérêt de ces rapprochements pour remporter des appels d'offres où, seuls, ils n'auraient pas toutes les compétences nécessaires.

Vous aviez également présenté un financement spécifique pour les artisans par Bpifrance. Qu'en est-il aujourd'hui?

Mon objectif est simple: faire en sorte que les TPE aient accès à la Banque publique d'investissement. Nous avons donc intégré des représentants des artisans au sein des instances régionales de Bpifrance, puisque la majorité des décisions de financement se fait au niveau local. Ensuite, nous sommes en train de renforcer le partenariat entre Oséo (Bpifrance) et la Siagi, et nous avons mis en place, en février, un soutien à la trésorerie des TPE et PME avec le déblocage de 500 millions d'euros par la Bpifrance pour les petites structures.

Il y a également votre projet de loi sur les TPE...

Tout à fait. Il intéresse notamment les artisans du bâtiment dans l'ajustement du régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Il y a également la clarification de la qualité d'artisan, qui doit être un gage de lisibilité pour le consommateur. Enfin, le projet de loi prévoit l'instauration d'un contrôle effectif des qualifications professionnelles lors de la création d'une entreprise, ainsi que la vérification des assurances obligatoires en fonction du métier et des travaux réalisés.

Vous le savez, le secteur du bâtiment souffre énormément. À la mi-septembre, de nombreux artisans sont descendus dans la rue pour crier leur "ras-le-bol". Que pouvez-vous leur dire pour les rassurer?

Le gouvernement est totalement mobilisé pour la croissance économique, l'emploi et la défense de nos entreprises. Tout d'abord, le 21 mars, le président de la République, François Hollande, a présenté un plan d'investissement dans le bâtiment comprenant 20 mesures, dont certaines touchent le bâtiment intermédiaire et les procédures d'urbanisme. Il a également annoncé le passage de la TVA à taux réduit dans les travaux de rénovation énergétique. C'est un signe fort de soutien au secteur du BTP! Cette mesure représente un coût significatif, surtout dans le contexte économique que vous connaissez.

Il y a aussi le Crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice) qui bénéficie aux petites structures. Tout comme le contrat de génération qui peut jouer un véritable rôle dans la transmission des savoirs entre un jeune et un senior. Dans le cadre du travail interministériel que j'anime, nous travaillons également sur la concurrence déloyale, le détachement de salariés étrangers, ou bien encore l'environnement normatif.

Justement, concernant le taux réduit de TVA, quel sera, selon vous, son impact sur les objectifs de rénovation des bâtis fixés par le gouvernement?

Cette mesure sera intégrée dans la loi de finances pour 2014. Elle devrait être très incitative pour la rénovation énergétique dans le secteur privé. Cette mesure, c'est du gagnant-gagnant pour les ménages et les entreprises du bâtiment. Pour les uns, c'est un gain en termes de pouvoir d'achat, via la réduction de leur facture énergétique. Pour les autres, c'est une vraie source de développement économique. C'est donc un enjeu important. Le gouvernement met tout en oeuvre pour atteindre l'objectif de 500 000 rénovations thermiques de logements par an, que ce soit le passage à un taux de TVA réduit ou les nombreux dispositifs (prime, crédit d'impôt, éco-prêt) qui permettent aux ménages de réaliser plus facilement des travaux. Ce sont des leviers majeurs qui permettront de relancer l'activité pour le secteur.

Il y a une réforme qui a fait couler beaucoup d'encre, celle de l'auto-entrepreneur. Elle est aujourd'hui entre les mains des députés. Qu'en est-il exactement?

Pour être précis, c'est la question du parcours de l'entreprise individuelle qui est entre les mains de la mission confiée au député Laurent Grandguillaume. L'objectif, ce n'est pas uniquement l'auto-entrepreneur et la question des seuils de chiffre d'affaires. L'objectif, c'est de trouver une simplification dans le parcours de l'entreprise individuelle avec des rapprochements entre tous les régimes fiscaux et sociaux qui existent aujourd'hui. La mission rendra ses préconisations le 15 décembre.

Reste que dans ce débat houleux, nous avons le sentiment que vous avez particulièrement écouté les organisations professionnelles du bâtiment...

Je suis la ministre de l'Artisanat, j'écoute donc les organisations professionnelles quand elles me disent qu'il y a un problème avec l'auto-entrepreneur. Ou bien qu'il est important d'avoir un taux réduit de TVA pour favoriser le secteur de la rénovation énergétique. Mais je suis aussi la ministre des TPE, et les auto-entrepreneurs font partie de mon girond. Il y a aujourd'hui une opposition entre les deux parties et je souhaite trouver des solutions d'équilibre, réconciliant tous ceux qui souhaitent créer une entreprise dans notre pays. Je ne suis ni la lobbyiste des artisans, ni celle des auto-entrepreneurs. Notre pays a besoin de toutes les forces vives qui veulent créer de la croissance et de l'emploi. Et pour cela, il faut que les règles soient équilibrées.

Dans un autre registre, la concurrence étrangère frappe de plein fouet les petites entreprises du bâtiment. Certains dirigeants parlent même de concurrence déloyale. Comment pouvez-vous agir contre ce phénomène?

Pour la période 2013-2015, nous avons lancé, avec Michel Sapin, ministre du Travail et de l'Emploi, le plan national de lutte contre le travail illégal. Il fait suite à la conférence sociale de juillet 2012. Son objectif est de renforcer la lutte contre les fraudes au détachement de salariés qui touchent particulièrement le secteur du bâtiment. Nous avons travaillé par ailleurs à l'élaboration d'une charte de bonne conduite avec les organisations professionnelles. C'est un projet de convention de partenariat pour lutter contre le travail illégal.

Il y a également une action menée par le gouvernement concernant le renforcement de la directive européenne de détachement des salariés étrangers. Des négociations sont en cours au niveau européen. Je souhaite que cela aboutisse à un accord équilibré car le détachement correspond aux principes qui ont fondé l'union européenne. Mais il est indispensable que les règles soient respectées et les contrôles renforcés.

Enfin, nous avons réalisé dans ce numéro une enquête portant sur les grands enjeux pour les artisans du bâtiment dans les dix prochaines années. Pour vous, quels sont-ils?

Il y a de nombreux enjeux pour les artisans de demain. Mais j'en identifie surtout trois. Tout d'abord, je le rappelle, la rénovation énergétique va créer de réelles opportunités en terme de chantiers. Les petites structures doivent se préparer à ces changements, notamment via la formation de leurs salariés.

Ensuite, la valorisation des métiers du bâtiment auprès des jeunes est très importante. Elle est directement en lien avec la transmission des entreprises artisanales. D'après nos estimations, il va y avoir 150 000 entreprises à reprendre d'ici cinq ans. C'est donc un enjeu important. D'autant plus que la reprise d'une entreprise offre d'avantage de stabilité à jeune dirigeant. La valorisation est également importante pour créer des vocations et pour aider de nombreuses filières à trouver des apprentis. Il y a un travail pédagogique à réaliser très tôt auprès des jeunes.

Enfin, il faut développer le lien entre innovation et tradition. Un point très important selon moi. Avec le développement des nouvelles technologies et l'apparition de nouveaux procédés de construction, les métiers du bâtiment doivent intégrer l'innovation dans leur stratégie de croissance. Contrairement aux idées reçues, l'innovation n'est pas réservée aux start-up, loin de là. Il suffit de voir le fort développement de l'électronique et de la domotique dans les maisons des particuliers pour s'en convaincre. Le métier va forcément évoluer pour répondre aux attentes des consommateurs. Les petites structures doivent d'ores et déjà s'y préparer.

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