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[Tribune] Levée de fonds : arrêtons la mascarade !

Publié par Nicolas Menet et Benjamin Zimmer le - mis à jour à

La start-up, un simple moyen pour les investisseurs de réaliser un placement rentable ? Face à certaines dérives, les entrepreneurs doivent se poser les bonnes questions et ne jamais perdre de vue leur objectif : l'utilité sociale.

Comprenons-nous bien : nous sommes, comme vous, des entrepreneurs aguerris qui avons essuyé des plâtres et pris des claques dans l'univers impitoyable des start-up. Nous avons une conviction : la start-up nouvelle génération pourra modifier en profondeur notre paysage économique, social et politique, car ce sont les buts que doivent poursuivre les start-up dorénavant.

Viser l'utilité sociale...

Nous considérons la start-up comme une unité de production de projets orientée et raisonnée, financée et rentable qui, de par sa structure éphémère, légère et agile, met en oeuvre rapidement des solutions répondant à des besoins sociétaux identifiés.

La start-up est la seule organisation en mesure d'intégrer les nouveaux préceptes de l'économie, les nouveaux modes de gouvernance. Aucune entreprise, aucun grand groupe n'est à ce jour capable de réaliser de tels défis. C'est le seul type d'organisation dédiée à la création de valeur marchande, à savoir s'approprier l'utilité détectée pour y apporter une réponse rapide, frugale et pertinente.

En effet, nous ne souhaitons plus que la start-up soit un phénomène de mode mais un véritable projet de société. Nous voulons en finir avec l'idée que nous pouvons tous entreprendre, devenir des Marc Zuckerberg ou des Jeff Bezos, sans se confronter à la dure réalité du terrain, de la levée de fonds, des objectifs commerciaux, de l'insatisfaction des clients...

Nous clamons que dès le départ de la start-up, les compétences gestion doivent être au centre pour produire des entreprises pérennes et solides. Structurer un business plan, tester les hypothèses du modèle économique auprès de ses clients, piloter sa trésorerie et sa stratégie sont des actions qui doivent être intégrées au même moment que la création.

Penser qu'entreprendre est facile, n'est pas vrai ! Rappelons que 90 start-up sur 100 échouent. Et que parmi les 10 restantes, seulement 3 ont un exercice bénéficiaire au bout de 5 ans d'activité. Cette statistique ne peut pas être celle d'un pays, le nôtre, la France, qui ambitionne de devenir l'eldorado des entrepreneurs sur cette planète ! Nous devons être plus sélectifs, plus organisés pour identifier des jeunes pousses, qui vont réellement faire avancer le monde grâce à une solution utile, désirable et profitable.

... et pas la levée de fonds !

Force est de constater que nombreuses seront les start-up capables de lever des fonds auprès de leur famille (love money), auprès de leurs supporters (crowdfunding), auprès des pouvoirs publics, auprès de certains investisseurs (business angels ou structure d'investissement en capital risque), sans pour autant vendre le moindre produit à un client dont le besoin et l'utilité auront été mal définis à l'origine.

La mascarade est là : la start-up est devenue un véhicule financier dilutif dans lequel le risque financier, pour celui qui peut le prendre, est plutôt minime car sécurisé en partie par des abattements fiscaux. Autrement dit, investir dans les start-up est plutôt rentable et offre une possibilité non nulle de multiplier son placement initial. Ainsi, plus le deal-flow sera important, plus les investisseurs seront nombreux, plus ils investiront. Comme au loto, plus il y a de joueurs, plus la cagnotte est grande mais, malheureusement, il n'y a qu'un seul gagnant à la fin. C'est aussi pour cela que l'on multiplie les initiatives en faveur des start-up à ce jour.

Et c'est ce que de nombreux entrepreneurs ignorent encore : en voulant changer le monde, ils ne font que faire perdurer des modèles contre lesquels ils s'érigent. Les entrepreneurs seraient-ils les victimes consentantes de ce système ? Oui car, au final, l'utilité sociale qu'ils désirent avoir n'a souvent pas lieu d'être car les intérêts entre les investisseurs et les entrepreneurs sont souvent divergents. Seule compte la poursuite de l'aventure entrepreneuriale et la désirabilité sociale associée.

Souvent, les entrepreneurs ne sont pas en capacité de voir si leurs investisseurs ont une stratégie d'investissement identique pour faire de leur entreprise un succès pérenne et entrepreneurial davantage qu'un succès purement financier, autrement dit, un placement. Finalement, ils ne regardent pas dans la même direction. Malheureusement, leurs visions divergent et chacun l'ignore, ce qui contribue massivement aux échecs que nous ne connaissons que trop bien.

N'oublions jamais que lors de la ruée vers l'or, les seuls à avoir fait fortune, ce sont les patrons des magasins où l'on achetait des pelles, pioches et toiles de tente... et les banquiers. Amis entrepreneur(e)s, ne tombez pas dans le même piège et ne vous perdez pas en route avec les tentations de la lumière. Restez concentrés sur votre marché et vos clients ! Prenez le temps de vous entrainer, de consolider vos preuves et de planifier vos activités.

7 bonnes pratiques tirées de notre expérience

1. Exigez des références de votre investisseur.

2. Demandez-lui comment il envisagerait votre développement s'il était à votre place.

3. Entraînez-vous à présenter votre projet sous de multiples points de vue (utilité, profitabilité, désirabilité...).

4. Apportez des preuves tangibles de votre proposition de valeur et marché.

5. Anticipez vos besoins en levées de fonds en planifiant le développement de votre start-up : on peut être agile et flexible, vous devez néanmoins être organisé.

6. Assurez-vous que vos investisseurs partagent des valeurs, convictions et centres d'intérêt communs.

7. Déterminez précisément la raison d'être de votre entreprise et le rôle que vous comptez y jouer.

Les auteurs

Nicolas Menet et Benjamin Zimmer sont les auteurs de "Start-up, arrêtons la mascarade", paru aux éditions Dunod en février 2018. Un ouvrage qui déconstruit le mythe des start-up en se basant sur un constat - la start-up devenue un véhicule financier visant la rentabilité plutôt que la défense d'un projet utile à la société - et en proposant des solutions, à savoir un nouveau modèle davantage basé autour de la responsabilité et de la réponse à de véritables besoins sociétaux.

Nicolas Menet est également directeur général de Silver Valley, accélérateur de projets dans le domaine de la Silver économie, fondé et anciennement dirigé par Benjamin Zimmer.


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