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Rééchelonner son PGE, est-ce vraiment une bonne idée ?

Le dispositif permettant aux TPE et PME de rééchelonner à l'amiable leur PGE (prêt garanti par l'État) est prolongé jusqu'à fin 2026. Si ces renégociations peuvent s'avérer incontournables, elles ne sont toutefois pas neutres.

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Composite of Clock and Calendar
© Lai Leng Yiap - Fotolia
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« Rééchelonner votre PGE n'est pas sans conséquence, c'est certain, mais mieux vaut rééchelonner que de voir disparaître votre entreprise non ? », interpellait récemment Philippe Kiehl, directeur départemental de la Banque de France dans la Loire (42) devant un parterre de chefs d'entreprise locaux réunis à l'occasion de la présentation des perspectives économiques 2024.

Le conseil sonnerait presque comme une évidence, et pourtant, trop d'entreprises hésiteraient un peu trop longtemps avant de se lancer. « Nous savons que nous allons avoir de plus en plus de demandes de rééchelonnement de PGE, beaucoup d'entreprises nous sollicitent déjà, certaines hésitent alors qu'il vaut mieux anticiper très tôt le mur de la dette car la discussion avec les prêteurs peut être longue dans certains cas. Évidemment, pour un dirigeant, ce n'est pas facile de demander le reprofilage des prêts mais dans un certain nombre de cas, il n'y a pas d'alternatives et le cadre sécurisé des procédures amiables permet d'y aboutir le plus souvent », commente Clotilde Delemazure, associée Grant Thornton et directrice nationale du Restructuring. « Les PGE étaient nécessaires pour pallier le manque d'activité généré par la crise Covid mais il était prévisible, dès le départ, qu'il y aurait un sujet autour du remboursement. Habituellement, lorsqu'une entreprise fait un prêt, il y a un ROI. Dans le cas des PGE, il n'y en a pas... », poursuit son confrère Romain Lochon, associé restructuring chez Grant Thornton.

Dans un contexte économique maussade, assorti de prévisions de croissance faible (1 % pour 2024 annoncé récemment par Bruno Le Maire) et d'une remontée en flèche des redressements et liquidations judiciaires, 28 % des entreprises reconnaissaient d'ailleurs, fin 2023, rencontrer de plus en plus de difficultés pour rembourser leur PGE selon une enquête de la CPME. Et ce même si, selon les chiffres communiqués par la Banque de France, 50 des 107 milliards d'euros de PGE accordés aux TPE et PME depuis 2020 ont déjà été remboursés.

Prolongation jusqu'en 2026 mais attention au coût

Devant ces perspectives moroses, l'État a décidé en début d'année de prolonger jusqu'à fin 2026 l'accord sur les restructurations signé avec la Banque de France et la Fédération bancaire française. Il accorde la possibilité à une entreprise de renégocier « à l'amiable » avec sa banque pour rallonger jusqu'à quatre ans la durée d'amortissement de son PGE. En dessous de 50 000 euros de PGE, ces entreprises peuvent saisir le médiateur du crédit via une procédure simplifiée. Procédure simplifiée qui ne les exonère pas pour autant de devoir montrer patte blanche : ne pas être en situation de cessation de paiement et disposer d'un potentiel de redressement.

Au-dessus de 50 000 euros de PGE, l'entreprise doit d'abord saisir le conseiller départemental de sortie de crise. C'est lui qui décidera d'une orientation vers le médiateur du crédit ou, pour les cas plus délicats, vers le tribunal de commerce. Dans les deux cas, la procédure est confidentielle.

Pour autant, elle n'est pas sans conséquence. La première étant comptable. « Le rééchelonnement du PGE peut être incontournable mais il faut être vigilant sur son coût. Lorsqu'ils ont été signés, les PGE étaient assortis d'un taux avantageux, entre 1 et 2,5 %. En rééchelonnant, l'entreprise est assujettie aux taux du marché actuel, donc plutôt aux alentours de 4,5 %. Il vaut mieux, dans beaucoup de cas, essayer de négocier d'abord sa dette senior classique. Mais ce n'est pas toujours possible car souvent les prêteurs « senior » exigent que l'ensemble des prêts soient renégociés », commente la directrice de l'activité restructuring de Grant Thornton.

Pour les petits emprunteurs, ce surcoût reste néanmoins limité, rassure de son côté Bernard Valla, président de l'association Prévention et Retournement et expert du restructuring : « Pour un PGE de 50 000 euros signé à 1 % et qui serait renégocié aujourd'hui à 4,5 %, le surcoût serait de 1 000 à 1 500 euros par an. Le surcoût n'est pas si important que ça. Surtout, si on met dans la balance une trésorerie critique qui nécessite une attention urgente ! »

Dépréciation possible de l'entreprise

Autre conséquence à prendre en compte : la dépréciation de la valeur de l'entreprise. Une dette rééchelonnée sera portée plus longtemps, avec à la clé un impact sur la valorisation et sur la performance financière. Mais là encore, mieux vaut une dévalorisation qu'une sous-valorisation.

Même logique concernant les notations diverses, et notamment celles de la Banque de France et des assureurs-crédits. Un rééchelonnement a la plupart du temps un impact sur ces notes. Avec des conséquences directes et immédiates sur les dettes fournisseurs, et sur la possibilité d'accéder à d'autres prêts classiques. « Conséquences qu'il faut prendre en compte pour pouvoir réagir rapidement et mettre en place toutes les mesures d'accompagnement nécessaires », martèle encore Romain Lochon pour qui le maître mot, en matière de difficultés de trésorerie, reste bien l'anticipation.

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