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Peut-on licencier un salarié absent pour maladie ? Oui, mais...

Publié par Charlotte Peillon, avocat associé au sein du cabinet Oren Avocats le - mis à jour à

Si le licenciement d'un salarié absent pour maladie reste possible, la liberté de l'employeur n'est pas totale. Origine professionnelle de la maladie, clause de garantie d'emploi, motif discriminatoire, plusieurs points de vigilance doivent alerter l'employeur !

L'absence maladie, événement banal dans la vie de l'entreprise, suscite pourtant des interrogations lorsque la rupture du contrat de travail est envisagée. Il convient en effet de se poser les bonnes questions avant d'initier, ou poursuivre, une procédure de licenciement à l'égard d'un salarié en arrêt de travail.

1. Première étape : déterminer si l'arrêt de travail est d'origine professionnelle

Lorsque l'employeur envisage de licencier un salarié pendant une période d'absence maladie, il convient donc qu'il s'interroge, en premier lieu, sur l'origine (professionnelle ou non) de la suspension du contrat.

En effet, l'absence du salarié pour raisons de santé peut résulter d'une maladie « simple » ou d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

Or, une protection spéciale est instituée par les dispositions légales lorsque l'arrêt est motivé par une maladie professionnelle ou un accident du travail (rappel : les accidents de trajet sont traités comme des accidents ou maladie non professionnelles pour la rupture du contrat). Il n'est ainsi pas possible de rompre le contrat pendant la période de suspension, sauf en cas de faute grave du salarié ou d'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif sans rapport avec l'accident ou la maladie.

Méconnaître une telle protection n'est pas sans risque dès lors que la nullité du licenciement est encourue, ce qui peut impliquer d'être contraint à réintégrer le salarié ou d'être condamné à lui verser des dommages et intérêts représentant, a minima, l'équivalent de six mois de salaire, quelle que soit son ancienneté.

2. Deuxième étape : identifier les éventuelles restrictions au droit de licencier, motif discriminatoire et clause de garantie d'emploi

Le pouvoir de rompre le contrat d'un salarié malade est bien évidemment encadré par l'interdiction de prendre des mesures discriminatoires. En d'autres termes, si le motif du licenciement est, même indirectement, en lien avec l'état de santé, ce dernier pourra alors se prévaloir de la nullité de la rupture de son contrat de travail.

Le pouvoir de licencier peut également être temporairement restreint par l'effet d'une clause de garantie d'emploi. De nombreuses conventions collectives garantissent aux salariés leur maintien dans l'entreprise pendant une certaine durée de maladie (qui peut, ou non, coïncider avec la période du maintien du salaire).

Dans ce cas, il convient d'être particulièrement attentif à la portée de ces clauses qui, selon leur rédaction, limitent de manière plus ou moins large le droit de licencier le salarié : certaines interdisent uniquement le licenciement motivé par l'absence prolongée du salarié rendant nécessaire, pour la bonne marche de l'entreprise, son remplacement définitif, lorsque d'autres alignent la protection du salarié malade sur celle accordée aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

3. Troisième étape : engager, ou poursuivre, la procédure de licenciement

Si, aux termes des vérifications préalables exposées ci-avant, aucun point d'alerte n'a été relevé, il est alors possible d'engager, ou poursuivre, une procédure de licenciement, que ce soit pour motif économique ou pour un motif personnel, disciplinaire ou non.

Quelques précisions méritent toutefois d'être apportées.

En premier lieu, l'entretien préalable doit normalement être fixé pendant les heures de sortie autorisée visées sur l'arrêt de travail.

En second lieu, s'agissant du licenciement disciplinaire, il convient de distinguer selon que :

  • Les faits fautifs ont été commis par le salarié avant l'arrêt de travail
  • Il est déconseillé d'attendre le retour du salarié pour engager la procédure de licenciement. En effet, le délai de prescription des faits fautifs (i.e. deux mois) n'est pas interrompu pendant l'arrêt maladie. L'employeur pourrait ainsi se trouver dans l'impossibilité d'agir si la suspension du contrat de travail était amenée à durer. De même, si la procédure a déjà été initiée, il est préférable de la poursuivre, le licenciement disciplinaire devant être notifié dans un délai d'un mois suivant la date de l'entretien préalable.

  • Les faits fautifs ont été commis pendant l'arrêt de travail
  • Il doit s'agir de la violation d'une obligation incombant au salarié malade : défaut de justification de l'absence, malgré les mises en demeure de l'employeur ou manquement à l'obligation de loyauté. A ce titre, il n'apparait pas inutile de rappeler que l'exercice d'une activité pendant un arrêt de travail ne constitue pas nécessairement un manquement à l'obligation de loyauté. Il appartient en effet d'établir que cet acte a causé un préjudice à l'employeur ou à l'entreprise.

    En dernier lieu, les dispositions qui prohibent la discrimination n'interdisent pas à l'employeur de licencier le salarié, non pas en raison de son état de santé, mais au regard de la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son bon fonctionnement.

    Attention ! Ce motif exige d'établir non seulement que l'absence a perturbé le fonctionnement global de l'entreprise (la désorganisation du service auquel appartient le salarié n'étant pas suffisant) mais également que le remplacement, dans un délai proche du licenciement, a été réalisé par une embauche en contrat à durée indéterminée.

    Pour aller plus loin :

    Charlotte Peillon, avocat associé au sein du cabinet Oren Avocats dont l'activité est dédiée à l'accompagnement des entreprises en droit social.