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[Tribune] Transmission d'entreprise: une fiscalité encore insuffisante

Publié par Patrick Féger le | Mis à jour le

Alors que de nombreux chefs d'entreprise réfléchissent à vendre leur société, différentes mesures ont été mises en place afin de faciliter la transmission tant pour le vendeur que pour l'acheteur. Un régime fiscal plus favorable, qui reste toutefois insuffisant. Décryptage.

D'après les estimations du gouvernement, 630 000 entreprises vont changer de mains dans les 10 prochaines années. Un enjeu important auquel tente de répondre le gouvernement en créant des avantages fiscaux, afin de faciliter la vente des TPE et des PME.

La loi de finances pour 2014 a clarifié le régime de taxation de plus-values de cession. Les plus-values de cession de titres de société sont désormais soumises à l'impôt sur le revenu, au barème progressif. Cette taxation est atténuée par l'application d'abattements qui dépendent de la durée de détention. Un abattement proportionnel général pour durée de détention est appliqué sur le montant net de la plus-value. Il s'élève à 50 % pour une détention comprise entre deux ans et huit ans, et de 65 % pour une détention d'au moins 8 ans.

Abattement majoré

Par dérogation, l'abattement général peut être majoré dans trois cas: lorsque la transmission s'effectue dans le cadre d'un départ à la retraite du chef d'entreprise, lorsque la cession est réalisée au sein d'un groupe familial. Ou encore lorsque la cession est réalisée par un fondateur de l'entreprise (ou un actionnaire ayant souscrit ou acquis ses titres dans les dix ans suivant la création de l'entreprise).

Le niveau de l'abattement majoré dépend également de la durée de détention. Il s'élève à 50% entre un et quatre ans de détention, à 65% entre quatre et huit ans, et à 85% au-delà de huit ans de détention.

Mieux, les dirigeants qui cèdent leur entreprise à l'occasion de leur départ en retraite bénéficient, avant l'application de l'abattement majoré, d'un abattement fixe de 500 000 €. À noter toutefois que cet abattement ne s'applique pas aux prélèvements sociaux de 15,5%. Ainsi, un dirigeant qui part à la retraite après avoir détenu son entreprise pendant plus de 8 ans et qui réalise une plus-value de 500 000 € ou moins subira une imposition au taux global de 15,5%. Si ce même dirigeant réalise une plus-value de 1 200 000 €, en estimant une tranche d'imposition à 41%, le taux d'imposition global de 19% environ.

Le dispositif Dutreil

L'imposition peut être amoindrie lorsque l'opération de cession s'accompagne d'une opération de transmission familiale. Ainsi les donations d'entreprise à un ou des enfants repreneurs sont facilitées grâce aux mesures Dutreil permettant de réduire considérablement les droits de donations. Pour les chefs d'entreprise dont les enfants ne sont pas repreneurs, ils peuvent gratifier leurs enfants avant de vendre. Cette opération de "donation avant cession" permet de gommer l'impôt de plus-value.

Malgré ces différentes mesures, on constate que les transmissions d'entreprises en France restent globalement plus taxées que dans de nombreux pays européens voisins. Pour un contribuable imposable dans la tranche à 45 %, le taux marginal d'imposition des plus-values ressort à 62,205 %, en intégrant l'éventuelle contribution sur les hauts revenus, comme pour les intérêts. Avec les abattements, le taux moyen tombe aux alentours des 40% mais il demeure beaucoup plus faible dans les autres pays européens : 13 % en Russie, 18 % au Royaume-Uni, 25 % en Allemagne, 27% en Espagne, 20% en Italie et même 0% en Belgique sous réserve que les plus-values soient réalisées sans intention spéculative.

Il reste encore du chemin pour que l'on puisse parler de mesures fiscales favorisant les transmissions d'entreprise. Une bonne réflexion autour de la préparation à la vente (3 à 5 ans) permet d'anticiper la plupart de ces problèmes.

Des aides pour soutenir les repreneurs

Côté acheteur, la principale mesure facilitant la vente consiste en des aides au financement. La Bpifrance, Banque Publique d'Investissement, apporte son soutien aux repreneurs de différentes façons. Cette institution peut apporter des financements aux opérations de transmission des PME. Cet apport peut se faire par une prise de capital, un crédit ou une caution apportée aux établissements bancaires co-financeurs. L'intervention de Bpifrance dans le financement des opérations de transmission sert donc aujourd'hui de catalyseur. Elle permet désormais aux banquiers "classiques" de s'engager en réduisant leurs risques sur le financement.

Une sage initiative car le financement du rachat d'entreprise était depuis 2008 singulièrement difficile. Les banques analysent le financement de la transmission comme l'un des risques majeurs à financer. Cette frilosité bloquait de nombreux processus de transmission.

Cette amélioration reste toutefois encore insuffisante car bon nombre de projets de reprise ne trouvent toujours pas de financement, principalement ceux qui souffrent d'un faible apport initial. Malgré ces améliorations, il reste donc encore du chemin à faire afin de réellement fluidifier les opérations de transmission d'entreprises. Malheureusement, il est fort à parier que des PME ne trouveront encore pas de successions dans les années à venir.

À propos de l'auteur

Patrick Féger, spécialiste de la transmission d'entreprise, expert comptable, et président d'Exco Nexiom, société d'expertise comptable, de commissariat aux comptes et de conseil.




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