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[Tribune] Caution bancaire : quels recours pour le chef d'entreprise en cas d'engagement disproportionné ?

Publié par Amélie Jourdan le | Mis à jour le

La loi du 1er août 2003 a étendu le champ de protection de la caution, en cas d'engagement disproportionné, à toutes personnes . Les dirigeants disposent ainsi de recours envers les banques pour faire valoir leurs droits, ce qui n'est pas sans conséquence pour ces dernières.

Il n'est pas rare que les banques demandent aux dirigeants de se porter caution à titre personnel pour un prêt effectué pour son entreprise. Il peut arriver que cet engagement soit considéré comme disproportionné lorsque la part de la caution excède manifestement ses facultés financières. Elle se caractérise par un engagement de la part de la caution excédant manifestement ses facultés financières. Tel est le cas par exemple pour une entreprise qui obtient un prêt de la part d'une banque et propose une caution personne physique, en la personne du dirigeant de l'entreprise (caution dirigeante).

Prouver la disproportion de l'engagement de caution

La caution dirigeante est présumée être une caution avertie. Le dirigeant est supposé disposer d'un degré de connaissance suffisant sur la situation de la société cautionnée, lui permettant d'être informé sur les risques encourus au regard de sa capacité financière et de la rentabilité de l'opération garantie. À cet égard, les tribunaux considèrent que le gérant de la société cautionnée est présumé être averti lors de la souscription de la caution (Com. 13 fév. 2007, Bull. 2007, n°31).

Toutefois, à titre exceptionnel, les juges ont déjà admis que la caution dirigeante pouvait être considérée comme profane. La banque a alors le devoir de vérifier si la caution dirigeante est avertie ou profane au moment où elle s'engage.

Avant la loi Dutreil du 1er août 2003, la distinction entre caution avertie et profane était importante pour engager la responsabilité du banquier en cas de disproportion. En effet, la banque avait une obligation de mise en garde et d'information envers les cautions profanes. Mais pour les cautions averties sa responsabilité ne pouvait être engagée pour les cautions averties, que si elle avait eu des informations sur leurs revenus, patrimoine et facultés de remboursement, dont les cautions averties n'auraient pas eu connaissance.

Fournir une preuve

La loi du 1er août 2003 est venue apporter de nouvelles perspectives aux cautions dirigeantes avec l'insertion de l'article L341-4 dans le Code de consommation qui dispose : " un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. "

Cette nouvelle disposition s'applique à toutes les cautions personnes physiques, qu'elles soient dirigeantes ou non (Cass. com 30 mars 2010, n°09-65.923).

Reste encore à prouver que l'engagement était disproportionné. Deux conditions doivent être réunies. Il s'agit d'une part de démontrer en démontrant d'une part qu'au moment de la signature du contrat, l'engagement de la caution dirigeante était manifestement disproportionné à ses biens et ses revenus (à l'appui de documents comptables tels que l'avis d'imposition de l'année de souscription) ; et d'autre part, en prouvant l'insuffisance du patrimoine du dirigeant au moment où la banque lui demande de remplir son obligation de caution dirigeante. Pour ce faire, le recours à un avocat en droit bancaire est primordial.

Quelles conséquences pour le banquier ?

Si l'engagement de caution s'avère être disproportionné, les établissements de crédit et de paiement ne peuvent s'en prévaloir en vertu de l'article L313-10 du Code de consommation les visant spécifiquement.

Ainsi la caution n'est pas nulle, mais dépourvue d'efficacité, comme a pu en juger la Cour de cassation (Cass. com. 22 juin 2010 n°09-67.814) " la sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement ". Dans cette affaire, le gérant, caution personnelle d'un prêt conclu au nom de la société, a été délivré de son obligation manifestement disproportionnée à ses biens et revenus dans le cadre de l'ouverture de la liquidation judiciaire. La banque a donc été condamnée à payer le montant de la caution afin de réparer le préjudice subi du fait du caractère disproportionné de l'engagement

Il faut toutefois attirer l'attention sur le fait que la banque retrouve son droit à invoquer le cautionnement, " lorsque le patrimoine de la caution, au moment où celle-ci est appelée [lui permet] de faire face à son obligation " (Cass. com. 19 oct. 2010 n°09-69203 ; article L341-4 du Code de la consommation) Ainsi si au moment où la banque vous demande le paiement de la caution, votre patrimoine vous permet d'y faire face, alors que ce n'était pas le cas lors de la signature de l'engagement, la banque est en droit d'invoquer le paiement.

Il est donc primordial que le chef d'entreprise ait une pleine connaissance de l'état de son patrimoine avant de se porter caution pour son entreprise, au regard des lourdes conséquences qui découlent de cet engagement.

L'auteur

Amélie Jourdan,
Juriste chez AVOCATS PICOVSCHI, Cabinet d'avocats d'affaires créé en 1988 par Gérard PICOVSCHI, compétent en droit des sociétés, droit social, droit fiscal, droit international, PLA... et qui développe ses savoirs faire à destination des entreprises françaises et internationales.

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