Travailler, vraiment ? Les Français n'y croient plus (tout à fait)
Publié par Linda Labidi le - mis à jour à
Ils veulent du sens, du salaire, de la souplesse, mais aussi du silence radio en retour. Le rapport des Français au travail se résume de plus en plus à une sorte de couple en crise : beaucoup d'amour, beaucoup de rancoeur, et l'envie récurrente de tout envoyer balader.
Alors qu'on croyait que le retour au bureau ou la "génération Z" allaient bouleverser les lignes, c'est une autre vérité qui émerge : le désenchantement s'est installé dans toutes les générations.
Recruter est devenu un parcours du combattant : 71 % des recruteurs galèrent à trouver des profils adaptés. Le marché est sous tension, les candidats ne se ruent plus vers les offres, et les attentes ont changé. Les recruteurs parlent de "rareté", les candidats, eux, parlent de lassitude.
« Prêcher dans le désert » : les candidats, fantômes à répétition
Côté candidats, le retour d'expérience est amer : 8 sur 10 affirment que leurs candidatures restent sans réponse. Ce silence, vécu comme du mépris, renforce la défiance. 65 % dénoncent des processus humiliants ou dévalorisants. En clair : chercher du travail aujourd'hui, c'est comme parler dans le vide, et espérer qu'un recruteur écoute.
Une bonne nouvelle tout de même : 53 % des recruteurs se disent prêts à embaucher sans diplôme si l'expérience est là. La logique du skills-first progresse. Mais elle reste fragile. Pour qu'elle tienne, il faudra vraiment changer les mentalités, pas juste les fiches de poste.
L'argent ? Toujours un moteur, mais toujours tabou
Quand ils envisagent de bouger, les salariés attendent en moyenne une augmentation de 16,9 %. Le message est clair : ils veulent "mettre du beurre dans les épinards".
Paradoxalement, la transparence salariale reste bloquée : seuls 32 % osent parler salaire en entretien, et 31 % n'en discutent même pas avec leur partenaire. On veut gagner plus, mais surtout ne pas en parler. Un mal très français.
Travailler moins, vivre plus (ou autrement)
La recherche d'un meilleur équilibre vie pro/vie perso devient un critère prioritaire.
67 % sont favorables à la semaine de 4 jours. Mieux : 34 % envisagent une pause de carrière pour voyager, se reconvertir ou simplement respirer.
Le message est limpide : mieux vaut prendre l'air à 45 ans que courir après une retraite incertaine à 67.
Malgré la généralisation du télétravail, les vieux réflexes persistent :
> 39 % des salariés se sentent obligés de rester tard, pour "faire bien".
> 24 % lisent encore leurs mails pro pendant leurs vacances. Le présentéisme a changé de forme, mais pas d'intensité.
Ce qui sauve encore le travail ? Les liens humains.
Heureusement, tout n'est pas sombre. 60 % des actifs ont un "work bestie" : un ami au boulot. Mieux : 71 % se sentent plus motivés quand ils doivent aider un collègue apprécié. Le lien humain reste le socle de l'engagement.
Si l'amour s'en mêle, pas de panique : 30 % des actifs ont déjà eu une relation intime au bureau. On vous l'avait dit : le travail, c'est (encore) une affaire de coeur.
Même si le taux de démission baisse (25 % en 2025 contre 40 % en 2022), le désengagement reste massif. Seuls 26 % des Français se disent pleinement épanouis professionnellement. La majorité, elle, reste à quai : pas assez mal pour fuir, pas assez bien pour s'engager.
On continue, mais on n'y croit plus trop.
Le monde du travail n'est plus un temple, ni une finalité. C'est un compromis mouvant, un endroit qu'on tolère, qu'on critique, qu'on fuit parfois, mais qu'on rêve encore de réinventer.
Recruteurs, dirigeants, RH : le chantier est ouvert. Mieux recruter, mieux écouter, mieux équilibrer. Parce que pour que les Français aiment à nouveau le travail, il va falloir faire plus que repeindre les murs.