Carnet de bord de Gauthier Toulemonde, ce patron qui pilote son entreprise d'une île déserte
Gauthier Toulemonde, dirigeant de Timbropresse qui se lance le défi de piloter son entreprise à distance pendant 40 jours, s'est installé le 11 octobre sur une île déserte. L'aventurier achève son expérience dans une semaine. Son retour en France est prévu le 24 novembre.
Je m'abonneGauthier Toulemonde, 54 ans, chef d'une entreprise d'éditions de neuf salariés, qui partage habituellement son temps entre Lille et Paris, a débarqué le 11 octobre sur une île déserte indonésienne, où il a décidé de passer 40 jours. Son objectif ? Démontrer qu'il est capable de piloter, à plus de 10 000 km de la France, son entreprise et travailler de façon efficace. Gauthier Toulemonde a passé ses trois premières journées en compagnie d'un ami, Raphaël Domjan, venu l'aider à installer un système de panneaux solaires, qui lui permettent d'alimenter son ordinateur et donc de travailler.
La rédaction de Chefdentreprise.com va suivre les tribulations de ce Robinson Crusoé en vous exposant chaque semaine un condensé de ces retours d'expériences.
Voici ce qu'il nous raconte
5e semaine (du 06 au 12 novembre) : "j'ai perdu plus de 10 kg"
Plus de cinq semaines après son arrivée, Gauthier Toulemonde estime avoir perdu plus de 10 kg. "Ces derniers jours j'ai deux envies principales : manger et rester encore un peu sur cette île car la perspective de retrouver le monde moderne ne m'enchante guère. On me demande ce que je mange le matin. C'est invariablement la même chose : une barre de céréales, trois abricots secs et à présent cinq amandes. Arrivant à la fin de l'expédition, je n'en ai pratiquement plus et dois me restreindre. Il est vrai que j'ai abusé mais les amandes donnent vraiment du tonus. Quant à la boisson, du thé vert très désaltérant dont je fais une grosse consommation, pratiquement deux litres par jour. Avec le recul, j'ai bien préparé cette expédition à l'exception de la nourriture dont je savais pourtant que c'était un point important, à ne vraiment pas négliger".
À cette fatigue, s'ajoutent les galères météorologiques (voir la photo d'une tempête ci-contre)."Toutes les nuits ou presque avec l'orage, c'est le feu d'artifice du 14 juillet sans le bal. Celui d'hier était une grande réussite et j'en ai profité pour le filmer. Depuis quelques jours, je consacre beaucoup de temps à prendre des images de la vie quotidienne du camp avec dans le rôle principal Gecko. Tourner sous la pluie comporte quelques risques pour la caméra et celui qui est derrière. J'étais bien trempé et comme j'ai voulu regarder le feu d'artifice jusqu'au bouquet final mes vêtements étaient bons pour être essorés".
(...)"Les panneaux solaires ne peuvent se recharger. Je dois donc limiter au maximum l'usage de mon ordinateur et de tous les appareils électriques pour conserver des réserves. J'ignore combien de temps cela va durer mais je dois être prudent, je n'ai plus qu'une demi-batterie, l'autre étant complètement déchargée. "
4e semaine (du 30 octobre au 05 novembre): le vrai danger est de se prendre une noix de coco sur la tête!
"C'est une curieuse vie de ne voir personne pendant des semaines et de ne communiquer quasiment que par mail. Parmi les commentaires du web, revient souvent la question de la sécurité. Avant de partir, le ministère des Affaires étrangères m'a appelé pour me faire part d'un certain nombre de risques dont la piraterie. Avec les changements de coefficients de marée, j'aperçois beaucoup de bateaux la nuit, peu dans la journée. Le camp n'est pas visible, je pense objectivement ne rien avoir à craindre. Mon principal problème, est de me prendre une noix de coco sur la tête, ce qui est réellement dangereux quand on est seul. Il faut cinq heures après avoir appelé pour venir me secourir, sauf bien sûr la nuit et en cas de mer agitée. J'ai à priori largement de quoi me soigner en attendant sauf bien entendu si je me blesse avec la machette. Je pourrai dresser une longue liste des problèmes petits et grands que je suis susceptible de rencontrer. À tout craindre, on ne fait jamais rien, l'essentiel est de faire attention.
Si la plage est incontestablement belle, la forêt l'est encore plus. C'est un vrai plaisir de se faufiler lentement entre les branches, avancer à la recherche d'animaux. Comme j'ai le constater ailleurs, les oiseaux lancent un cri d'alarme à votre passage afin de prévenir qu'il y a un intrus. Mon partenaire d'aventure, le chien Gecko, au lieu d'être devant préfère jouer les seconds rôles. Cette forêt a une âme, un charme indéniable et par endroit complètement lugubre, livrant une forme de désolation avec ses arbres morts, des noix de coco décomposées et une multitude de lézards de couleur sombre. À certains endroits, le soleil ne passe pratiquement pas.
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J'ai reçu des questions à propos du camp, voici en quelques mots puis en images à quoi il ressemble. Tout d'abord le "bureau" où je me trouve actuellement. Il est situé face à l'océan. Une petite table ronde en bois et un banc suffisent à ce qui sert aussi à prendre les repas, du moins quand il ne pleut pas. Le camp lui-même est situé à une vingtaine de mètres de la mer afin de ne pas prendre le risque d'une inondation lors des grandes marées. Son centre est une tente deux places où je ne loge pratiquement jamais à cause de la forte chaleur la nuit. La partie intérieure gauche est allouée au matériel placé dans des sacs étanches : les deux ordinateurs, les caméras, appareil de photo, téléphone, raccordements électriques...
Juste à quelques mètres se trouve le hamac placé sous une toile verte. Il se situe entre la tente et les panneaux solaires. Endroit protégé de la pluie, j'y place les batteries solaires même si théoriquement elles sont étanches. Dormir dehors mais protégé d'une moustiquaire est très agréable et on profite un peu de la fraîcheur toute relative. Cela permet aussi de pouvoir bien surveiller la nuit et d'intervenir le cas échéant pour modifier la position des panneaux en cas de tempête. Le coin cuisine, matériel de pêche, protection de la nourriture de survie et les croquettes du chien sont juste à gauche de la tente. C'est le point de rendez-vous de tous les animaux."
3e semaine (du 22 au 29 octobre): le télétravail est opérationnel
"Ces trois petites "boîtes" : un ordinateur, une Thuraya - pour avoir la connexion satellitaire - et un téléphone me suffisent pour travailler à distance. Dotée de cette technique la plage sert aussi de studio d'enregistrement pour la télévision mais aussi la radio comme hier soir avec Marc-Olivier Fogiel. L'ensemble est alimenté par quatre petits panneaux solaires dont la superficie totale est celle d'une serviette de bain. C'est assez fascinant de se dire qu'avec aussi peu de choses on peut vivre et travailler en autarcie. L'expédition Web Robinson ne constitue nullement un exploit, une épreuve d'endurance de type Koh Lanta. Chacun peut faire de même sur une île ou ailleurs en pleine nature. L'endroit où je me trouve est un petit "laboratoire" permettant de voir comment un citadin s'accommode ou non de la nature, d'une vie solitaire, de quoi il a réellement besoin, les difficultés. Après "Timbres Magazine", "l'activité immobilière" est bouclée, une nouvelle performance et un succès pour le travail à distance.
Vous me posez souvent les mêmes questions à propos de l'expédition, voici quelques éléments en espérant bien y répondre. Que deviennent la Poule et vendredi ? Je n'ai pas vu la poule pendant deux jours, le coq oui. Elle se trouve à nouveau dans le camp mais fortement amaigrie et un oeil en moins. Je suis étonnée de sa capacité de résistance mais n'oublions pas que la semaine dernière, elle était dans la gueule d'un varan. Elle s'est bien assagie et n'essaye plus de me voler de la nourriture. Nos relations sont mauvaises depuis qu'elle a fait tomber la casserole de riz dans le sable, histoire de manger avant moi. Je l'ai viré à coup de noix de coco. Cela ne me ressemble pas, il y a des moments où j'ai l'impression de revenir à l'état sauvage. Il est vrai qu'ici, je ne plaisante pas sur la nourriture.
Éprouvez-vous un sentiment de solitude ? Une fois ou deux, toujours lors de tempêtes et la nuit. On se sent peu de choses sur un petit anneau de terre entouré d'énormes vagues. Avec Internet, le travail à distance, c'est plutôt un sentiment d'éloignement que l'on ressent. Je suis en relation quotidienne avec le reste du monde. Cette nuit, il y a eu une tempête particulièrement violente, la plus forte depuis que je suis ici. De nombreuses branches sont tombées, des noix de coco, le hamac se balançait mais je n'ai aucunement peur. Gecko dormait en dessous de moi. Je me suis habitué aux orages, aux éléments qui m'entourent. Il me semble que l'île m'a adopté. Je fais à présent parti du paysage.
Si la présence humaine me manque, bien entendu je commence à redouter le retour à la civilisation. Cela fait longtemps que je n'ai pas vu une ville, la foule, des voitures. Je ne sais plus ce que sont les contraintes d'une vie en collectivité. Ici je fais ce que je veux quand je le décide, contraintes climatiques mises à part. Mon unique obligation est de faire mon travail et d'assumer mes responsabilités. Les journées entre les obligations professionnelles et la logistique du camp sont très longues, demandent de la résistance mais je pense commencer à m'en accommoder. Mais une fois encore, je ne suis pas à l'abri de grosse galères, d'un problème de santé. N'oublions pas que l'on passe vite du paradis à l'enfer insulaire."
2e semaine (du 15 au 21 octobre): beaucoup de galères en ce moment
"Après l'orage de la veille et une nuit sans beaucoup dormir, j'ai découvert qu'une partie de mes vêtements sous la tente avait pris l'eau. La pluie est tombée pratiquement toute la journée. Difficile de travailler dans ces conditions d'autant que pour envoyer mes mails, je dois être dehors face à la mer pour que la connexion satellite s'effectue correctement.
Malgré ces conditions très chaotiques le prochain "Timbres magazine" est bouclé. Du super boulot de toute l'équipe, nous sommes tous fiers de cette première. Il sortira en kiosques jeudi prochain, le 24 octobre. Y figure notamment un reportage sur l'expédition. Même en ne connaissant rien aux timbres, il y a beaucoup à apprendre en histoire et géographie dans cette revue. La nuit tombée, j'ai continué de préparer un article pour la prochaine revue à boucler "l'Activité Immobilière" dans la tente et dans l'humidité. Si le travail à distance fonctionne dans ces conditions, à 10 000 km de la France, je pense que cela peut marcher à 10 km de son bureau...
Si l'envie vous prend d'être un temps un Web Robinson, voici quelques conseils que je peux vous donner après une semaine d'expérience. Si vous arrivez très fatigué sur l'île - ce qui est mon cas - n'espérez pas vous refaire une santé rapidement parce que vous êtes au grand air. La vie du Robinson est accaparée par la nécessité de se nourrir, d'assurer la logistique du camp et de tenir compte des aléas climatiques."
Voici l'emploi du temps qui s'instaure sur l'île.
"Lever à 6h00 : il est indispensable de vivre en fonction du soleil, la nuit tout est compliqué. Ayant pris un chien et quelques chats pour éloigner les rats du campement, il faut les nourrir et s'assurer qu'ils se portent bien. Une petite inspection du camp n'est pas non plus à négliger : panneaux solaires mais aussi éventuelles traces d'animaux. En observant le sable, on voit rapidement qui s'est rendu dans le camp durant la nuit. J'essaye de prendre des déjeuners copieux et j'attaque avec du riz afin d'être bien calé. Vers 7h00 environ, je prends connaissance des mails arrivés la nuit et en profite pour tout de suite répondre. Il ne faut jamais oublier que si le temps se dégrade dans la journée, il sera difficile voire impossible de communiquer par mail étant donné l'emplacement de mon "bureau". Vers midi la chaleur est accablante et tout fonctionne au ralenti. C'est le moment de prendre un second repas et de se reposer. Si le temps le permet, il faut en profiter pour recharger tous les appareils : ordinateur, téléphone, lampe frontale etc. L'objectif est de disposer de batteries pleines pour la nuit. Négliger cette routine peut ensuite poser des problèmes. En fonction de l'emploi du temps, reprise vers 14h00 ou avant. Il est 9h00 en France et il est possible de communiquer avec le bureau.
À 16h00 la lumière est belle et j'en profite pour filmer et faire des photos. Après une nouvelle séquence de travail, il faut ensuite préparer le camp pour la nuit, nourrir les animaux, tout vérifier et prendre un semblant de repas si nécessaire. Le jour tombe brutalement à 18h30. Je consulte mes mails à nouveau vers 20h00, adresse les derniers articles et rédige le blog. Quand la météo est vraiment mauvaise, je poste sur le blog plus tôt, c'est une précaution à prendre. Je dors dans un hamac recouvert d'une moustiquaire et d'une bâche.
La nuit après une journée bien remplie, l'envie d'aller pêcher est faible. Il faut se forcer car ensuite les carences alimentaires surviennent tout comme la fatigue et la baisse du moral. Les journées sont vraiment bien remplies, d'autant qu'il y a régulièrement des orages redoutables. L'équivalent d'un beau feu d'artifice de 14 juillet et ce durant plusieurs heures. Le vent étant particulièrement violent, il faut protéger les panneaux solaires. Inutile de dire qu'en pareil cas, il n'y a rien à faire si ce n'est essayer de dormir. Des trombes d'eau de mousson s'abattent sur le campement et lorsque le ciel s'éclaircit, l'air se remplit d'une vapeur étouffante."
1ère semaine: Ciel partiellement nuageux, 35°
"Belle journée avec une arrivée (le vendredi 11 octobre) sous le soleil. L'île est magnifique avec une jungle dense qui abrite un aigle pêcheur. Raphael Domjan et moi-même avons monté une bonne partie du camp. À Jakarta, avant de partir, j'ai fait la connaissance du chien Gecko qui fait partie de l'aventure car son propriétaire me l'a proposé le temps de l'expédition à cause des rats. J'ai aussi pris cinq chats ... et une naissance est arrivée juste avant la tombée de la nuit... nous l'appellerons vendredi. La présence des animaux de compagnie est dissuasive, pas un rat en vue dans l'immédiat. Un violent orage vient de s'abattre sur l'île.
La première nuit, il y a eu un gros orage, assez impressionnant au point que Gecko qui dort sous mon hamac m'a réveillé plusieurs fois pour être rassuré. Les animaux sont nombreux sur l'île à commencer par ceux que nous avons amenés : Gecko le chien, les chats mais aussi un coq et une poule ! Avec un peu de chance j'aurai des oeufs frais. Des tortues sont venues pondre et des varans de plus d'un mètre ont tenté de prendre les oeufs. Enfin, nous avons vu deux serpents sur la plage, l'un vert, de petite taille mais assez agressif et un autre beaucoup plus grand. Raphaël Domjan a fait du super boulot toute la journée en vérifiant l'installation solaire et les connexions Internet. De mon côté après le rangement du camp à cause de l'orage, j'ai repris la rédaction d'articles. Un simple portable alimenté à l'énergie solaire, une plage déserte, voilà à quoi se résume mon nouveau bureau. La technique doit normalement bientôt fonctionner pour commencer ma semaine de télétravail lundi.
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Dimanche est une belle journée qui commence avec la naissance de onze chatons et la finalisation du camp. Il se passe toujours quelque chose sur cette île. Autant dire que nous aurons du travail car il va falloir les nourrir ces chats et trouver du poisson en quantité. Je me rends compte que ce sont souvent les nuits qui posent problème et après l'inondation du camp à l'arrivée nous avons affronté une attaque de plusieurs milliers de mouches de sable. Le paradis insulaire est parfois proche de l'enfer... "
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter la page Facebook de Gauthier Toulemonde.
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