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Cadres dirigeants : la nouvelle donne

Publié par Nicolas Sauvage, Avocat au barreau de Paris, membre d'Avosial le | Mis à jour le

Promouvoir un cadre au statut de cadre dirigeant est une fête que la jurisprudence récente pourrait gâcher. Désormais, un avenant doit être signé, écartant toute référence aux horaires et durée du travail. En outre, le combat judiciaire doit être mené pour amender cette position de la cour suprême.

Certains cadres comptent leurs heures de travail, d'autres leurs jours. Les cadres dirigeants eux comptent ... sur les errements jurisprudentiels pour devenir riches.

On ne naît pas cadre-dirigeant

On ne naît pas cadre dirigeant, on le devient. Cette maxime connue serait complète si elle se finissait par « ... on le devient par avenant ». Depuis janvier 2000, le cadre dirigeant a droit de cité. Cette nouvelle race de cadre, fait partie des Seigneurs. Il occupe les plus importantes fonctions, bénéficie d'une des plus hautes rémunérations, et élabore les décisions stratégiques. De ce fait, le cadre dirigeant a pour particularité de ne pas être soumis aux règles du temps de travail : plus aucun horaire, ni jour férié, ni RTT. Juste 25 jours de congés payés, et une liberté absolue de s'organiser.

Mais la Cour de cassation(1) a renversé la table, et l'analyse textuelle avec. Pour elle, ce n'est plus la réunion des trois critères (fonctions, salaire, stratégie) qui crée le cadre dirigeant. C'est le fait de ne plus être (par contrat) soumis aux règles du temps de travail, qui permet d'être considéré cadre dirigeant. A condition toutefois de remplir aussi les trois conditions suscitées.

L'enjeu financier est énormissime et vous concerne tous, employeurs lisant cette chronique. Le piège s'est refermé sur vous. Car la Cour de cassation n'a pas prévu de décaler l'effet de sa nouvelle jurisprudence dans le temps. Donc si vous avez, voilà cinq ans, promu sans avenant écrit, un salarié (alors aux 35 heures) au statut de cadre dirigeant, il va vous en cuire. Il n'a en fait pas acquis le statut de cadre dirigeant. Il peut donc vous demander paiement de ses heures travaillées au-delà de 35 heures. Il vous demandera aussi la majoration, les congés payés afférents, le repos compensateur, l'indemnité pour travail dissimulé.

En contentieux, le montant des rappels de salaires va s'envoler. Deux raisons : 1/ d'une part, le cadre « ex » dirigeant bénéfice d'une des rémunérations les plus élevées. Avec un statut de cadre dirigeant, déclaré inopposable, son salaire annuel global sera rapporté à 1 607 heures annuelles. Cela fera exploser son prix salarial horaire. 2/ D'autre part, un cadre dirigeant travaille bien plus que 35 heures par semaine. La combinaison des deux points va donner un chiffre piquant les yeux.

Panique à bord, une réaction immédiate est requise ! D'abord, il faut régulariser vos contrats de cadres dirigeants. Ensuite, il faut combattre cette jurisprudence absurde.

Prudence face à la tempête

Employeurs de cadres dirigeants, vous devez être vigilants. Une étude attentive de vos contrats - et avenants - s'impose ! La moindre référence à un horaire ou à un contrôle du temps de travail, doit vous faire bondir. Il vous faut signer avec les cadres dirigeants concernés un avenant. Son contenu doit être clair et précis.

Eteindre le feu

Proposer un avenant va susciter la curiosité. En quelques clics, ils trouveront un (notre ?) article juridique sur le sujet. Préparez-vous ainsi à une vague de questions. Pour rappel, cet angle jurisprudentiel est un revirement. Avant 2017, la Cour de cassation jugeait in concreto si le statut de cadre dirigeant était avéré. Logique car c'était le libellé même de l'article L3111-1 du code du travail. Certains salariés « sont considérés comme des cadres dirigeants ». Puis un premier arrêt publié, mais resté inaperçu, a inversé l'analyse(2). Il couronne l'absence (ou la suppression) de référence au temps de travail comme condition impérative du statut. Et le dernier arrêt de 2022 achève de planter le décor.

Ce revirement n'est pas définitif. La Cour de cassation peut revenir dessus.

Pour en savoir plus

Avocat au barreau de Paris, spécialiste en droit du travail, Nicolas Sauvage conseille et défend depuis 33 ans, les employeurs.

Il est membre de l'association AvoSial, fondée en 2004, et composée d'avocats qui consacrent leur activité professionnelle à la représentation en justice et au conseil des employeurs dans le domaine du droit du travail et de la sécurité sociale.

Information apportée par Avosial. Fondé en 2004, Avosial est un syndicat français d'avocats d'entreprises en droit social rassemblant plus de 500 membres. www.avosial.fr




[1] Cass. soc., 12 janv. 2022, no 19-25.080

[2]Cass. Soc, 7 septembre 2017, 15-24.725, Publié au bulletin