Pour gérer vos consentements :

Rupture du contrat de travail : falsifier un document n'est jamais une bonne idée !

Publié par Alexandre Orts, avocat au sein du cabinet Daher Avocats le - mis à jour à

Après rupture de sa période d'essai, un salarié est réembauché par le même employeur et son contrat de nouveau rompu. L'intéressé contestait « la véracité de la lettre de démission ». La Cour de cassation rappelle qu'en pareille hypothèse, les juges doivent « procéder à une vérification d'écriture » .

L'analyse de l'arrêt d'appel(1) permet de mieux connaître le contexte du litige. Une société a recruté un salarié, en tant qu'agent de sécurité, à compter du 8 décembre 2011 avant de rompre sa période d'essai par lettre recommandée avec avis de réception du 25 janvier 2012.

A quoi sert la période d'essai ?

La période d'essai ayant pour objet de permettre à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié et à ce dernier d'apprécier si ses fonctions lui conviennent, elle ne peut en principe être rompue par l'employeur que si le salarié ne se montre pas à la hauteur des attentes sur le plan professionnel.

La rupture de la période d'essai n'a alors pas à être motivée. Il conviendra naturellement de pouvoir démontrer, en cas de contentieux ultérieur, que la rupture de l'essai était bien fondée sur l'appréciation des qualités professionnelles du salarié. Attention, si la rupture de l'essai repose sur un motif disciplinaire, il est nécessaire de respecter la procédure disciplinaire (i.e., convocation du salarié à entretien préalable puis notification de la rupture pour motif disciplinaire)(2).

En l'espèce, le salarié prétendait avoir continué à travailler après la rupture de sa période d'essai et sollicitait des rappels de salaire à ce titre. Ses demandes ont été rejetées en raison de l'absence d'éléments probants.

Cela est néanmoins l'occasion de rappeler qu'en cas de rupture de la période d'essai, le salarié (i) bénéficie d'un délai de prévenance dont la durée dépend de son temps de présence dans l'entreprise(3) et (ii) doit impérativement cesser toute activité au plus tard au dernier jour théorique de sa période d'essai (si le délai de prévenance ne peut pas être exécuté en intégralité, le reliquat sera versé sous forme d'indemnité dans le solde de tout compte), à défaut, l'essai est réputé validé et le contrat devient « définitif » (ne pouvant ensuite être rompu que par licenciement, démission ou rupture conventionnelle).

Que faire lorsque le salarié nie être l'auteur d'une lettre de démission ?

La société a réembauché le même salarié au même poste à compter du 14 mai 2012. Néanmoins, il a été mis un terme au contrat de travail de l'intéressé quelques jours plus tard. L'employeur affirme que le salarié a démissionné par courrier en date du 18 mai 2012 – à effet du 23 mai 2012 – et produit une copie de la lettre de démission litigieuse parmi ses pièces en défense, dont l'authenticité est contestée par le salarié lui-même.

S'agissant d'un élément aussi déterminant qu'une lettre de démission, la Cour de cassation rappelle une solution déjà établie(4) : lorsqu'il est constaté que le salarié conteste la véracité de la lettre de démission qui lui est imputée, les juges doivent procéder à une vérification d'écriture.

Une vérification d'écriture peut prendre la forme d'une expertise graphologique. Plus simplement, le juge peut également décider de procéder lui-même à la vérification d'écritures au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents utiles(5). Autrement dit, le juge peut fonder sa conviction en comparant le document litigieux à la copie d'autres pièces signées par le salarié.

Quelles sont les conséquences d'une « fraude » à la lettre de démission ?

Si le juge retient que la lettre de démission n'est pas authentique, la solution devrait logiquement emporter les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (la rupture du contrat étant nécessairement irrégulière) ouvrant droit au salarié au versement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de licenciement (si son ancienneté est d'au-moins 8 mois) ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (dont le montant variera en fonction de l'effectif de l'entreprise et de l'ancienneté du salarié).

Une telle situation pourrait également emporter d'importantes conséquences pénales. L'employeur ayant falsifié une lettre de démission pourrait se trouver accuser de faux et usage de faux (puni de 3 ans de prison et de 45.000 euros d'amende au maximum) mais également de tentative d'escroquerie au jugement (punie de 5 ans d'emprisonnement et de 375.000 euros d'amende au maximum) ou encore d'usurpation de signature (punie de 3 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende au maximum), voire d'usurpation d'identité (punie d'1 an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende au maximum).

Quelles sont les conditions d'une démission régulière ?

A toutes fins utiles, il nous semble utile de rappeler que pour être valable, la démission doit être claire et non équivoque (i.e., il ne doit y avoir aucun doute quant à la volonté du salarié de rompre le contrat de travail, ni de grief formulé contre l'employeur) et idéalement formalisée par écrit remis à l'employeur en main propre contre décharge ou par LRAR.

Afin de prévenir toute contestation ultérieure, nous suggérons toujours d'accuser formellement réception de la démission par courrier remis en main propre contre décharge au salarié ou par LRAR, lequel est l'occasion de traiter le sort de la clause de non-concurrence ou de rappeler au salarié ses obligations de restitution du matériel, de s'abstenir de tout acte de concurrence déloyale, de mettre à jour sans délai son CV sur les réseaux sociaux professionnels...

Pour aller plus loin

Alexandre Orts est avocat au sein du cabinet Daher Avocats. Alexandre conseille les sociétés en France et à l'international dans tous les domaines du droit du travail, tant en conseil qu'en contentieux, et en droit de la sécurité sociale.

[1] CA Montpellier, 6 novembre 2019, n°16/00402

[2] Cass. Soc., 14 mai 2014, n°13-13.975

[3] Articles L. 1221-25 et L. 1221-26 du Code du travail

[4] Par exemple : Cass. Soc., 23 octobre 2013, n°12-15.961

[5] Cass. Soc., 18 septembre 2007, n°06-41.866