L'innovation à tout prix : un luxe devenu la norme !
Publié par Vincent Caltabellotta le | Mis à jour le
En France, l'innovation est devenue un mantra économique. Chaque start-up cherche à se différencier, à "disrupter" des marchés déjà existants, souvent basiques, pour proposer une valeur ajoutée qui, bien souvent, frôle l'absurde. Cette quête permanente de différenciation mène à une inflation des prix sur des produits qui, à l'origine, répondaient simplement à un besoin fondamental.
Prenons un exemple concret : une entreprise française produit du thé dans le nord de la France, un produit positionné comme haut de gamme, et forcément plus cher que la plupart de s très bons thés. Pourtant, la plante n' est pas naturelle à notre terroir et sa production reste bien inférieure à celle de s grands pays producteurs comme l'Inde ou la Chine. Alors, pourquoi payer si cher un thé qui, finalement, n'a rien de révolutionnaire ? Ce n' est qu'un exemple parmi d'autres. Ce phénomène se généralise à tous les produits de consommation : du lait vendu comme un élixir santé aux circuits courts revalorisés en produit premium.
Les sur-besoins : un néologisme nécessaire
Cette tendance pourrait être qualifiée de "sur-besoin" : la création artificielle de besoins secondaires, voire superfétatoires, pour justifier une montée en gamme et un prix plus élevé. Hydratation optimisée, mémoire renforcée, bien-être amélioré, meilleur sommeil, ... autant de promesses qui transforment de s produits basiques en solutions "miracles". L'objectif est clair : convaincre le consommateur qu'il doit dépenser plus pour compenser un manque qu'il ne ressentait même pas.
Mais à quel prix ? Non seulement financier, mais aussi social. Cette course au "toujours plus" exclut une partie de la population, dont le pouvoir d'achat ne cesse de diminuer, et alimente une frustration croissante face à de s modèles économiques qui privilégient l'innovation au détriment de l'accessibilité.
Revenir au coeur du besoin
Face à cela, de s enseignes comme Lidl trouvent un écho particulier avec de s slogans tels que : "Le vrai prix de s bonnes choses". Ce positionnement, ancré dans une recherche de simplicité et d'efficacité, correspond très bien aux attentes de s consommateurs d'aujourd'hui. Et si l'avenir économique résidait dans le retour à l'essentiel : produire de bons produits à de s prix justes, sans chercher à créer de s besoins artificiels ?
Cela de vra aussi passer par un changement de paradigme dans les écoles de commerce et les incubateurs pour lesquels j'ai accompagné de s 100aines de projets de création d'entreprises, fictives ou non. Ils encouragent systématiquement l'innovation technologique ou la disruption de marchés sous prétexte que l'innovation produit est LA source de réussite. Alors qu'on sait bien aujourd'hui que la meilleure de s idées restera dans un tiroir si ses créateurs n'ont pas, eux, cette différence qui les fera réussir à côté de s autres. En soit, ce n' est pas tant l'innovation produit qui compte mais l'innovation dans la façon d'organiser et de vendre.
Pourquoi alors ne pas valoriser de s modèles plus simples et accessibles, mais qui favorisent de s approches nouvelles, de s mindsets différents, ou tout simplement copier ce qui marche parce que... ça marche ? Créer une boulangerie, un commerce de proximité ou une exploitation agricole peut être aussi gratifiant, sinon plus, que de chercher à coder la prochaine application qui nous vendra "l'optimisation du sommeil" ou une pseudo économie qui n'arrivera jamais.
Une économie plus responsable
C' est aussi une responsabilité de s entrepreneurs et de s investisseurs. La recherche permanente de concepts nouveaux plutôt que de personnalités fortes pousse les investisseurs à chercher l'innovation, souvent au détriment du bon sens. Pourtant, de s modèles alternatifs existent. Les entreprises qui s'autofinancent en répondant à de s besoins basiques et en vendant rapidement sur de s circuits courts prouvent qu'il est possible de concilier concepts classiques, rentabilité, croissance et accessibilité.
La vraie innovation ne réside peut-être pas dans la création de "sur-besoins", mais dans notre capacité à redéfinir ce qui est fondamental. Et c' est seulement après avoir répondu à ces besoins essentiels qu'il de vient pertinent d'explorer de s marchés de niche avec une offre à plus forte valeur ajoutée.
En quête de sens
Au fond, ce débat dépasse largement le cadre économique. Il interroge notre rapport à la consommation, à l'innovation et à la société. Dans un monde où les inégalités se creusent et où les ressources naturelles s'amenuisent, il est peut-être temps de ralentir, de repenser nos priorités et de revenir à l'essentiel. Pas par nostalgie, mais par pragmatisme.
Les sur-besoins n'ont pas leur place dans une économie durable. Le vrai luxe, de main, sera peut-être simplement d'avoir accès à de s produits honnêtes, à leur juste prix.
Vincent Caltabellotta - Directeur de Be a Boss, entrepreneur, et auteur, conférencier spécialiste de l'avenir des entreprises et du commerce.
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