Détachement et expatriation : miser sur la mobilité internationale !
Publié par Charlotte de Guigné, Responsable de missions en droit social au sein d'ORCOM. le - mis à jour à
Dans un projet de développement international, la mobilité des salariés est à la fois un levier stratégique pour les PME et ETI ainsi qu'un outil de promotion et de valorisation pour les salariés. Quels sont les dispositifs existants ?
Opportunité de développement et de croissance, optimisation des coûts de production, accroissement du chiffre d'affaires à l'export, attractivité du « made in France », diversification des marchés, rationalisation logistique, recherche de proximité avec les clients à l'étranger, accès aux talents, véhiculer la culture de l'entreprise... sont autant de raisons qui motivent les PME et ETI à se tourner vers l'étranger.
On distingue traditionnellement l'expatriation et le détachement qui sont deux mécanismes obéissant à des règles très différentes, aux conséquences juridiques, sociales et fiscales importantes. Bien appréhender ces distinctions permet de comprendre les implications pour accompagner efficacement la croissance de l'entreprise.
Deux régimes distincts, deux logiques différentes
Détachement et expatriation sont souvent confondus, mais répondent à des cadres juridiques bien distincts notamment au regard des règles de sécurité sociale. Une bonne compréhension des deux mécanismes est donc cruciale. Le détachement de salariés de la France vers l'étranger suppose le maintien du lien contractuel avec l'entreprise d'origine, pour l'exécution d'une mission temporaire à l'étranger par exemple auprès d'un client ou d'une filiale.
En matière de sécurité sociale, la loi applicable est en principe celle du lieu de travail, toutefois dans le cas d'un détachement au sein de l'Union Européenne, le salarié reste en principe affilié au régime de sécurité sociale français. En cas de détachement hors Union Européenne, le maintien du rattachement au régime de sécurité social français dépendra de l'existence d'une convention bilatérale sur ce point.
À l'inverse, le salarié expatrié est quant à lui intégré durablement dans une entité étrangère. Il peut être embauché directement sur place par une société étrangère, ou encore être embauché par une société française pour ensuite être envoyé à l'étranger pour une longue durée, son contrat de travail national étant alors suspendu.
Le salarié expatrié sera en principe affilié au régime de sécurité sociale du pays d'accueil. Dans tous les cas, il est préférable de contractualiser le type de mobilité afin de sécuriser l'opération et s'agissant d'un contrat international, de prendre le temps d'évaluer les impacts, de déterminer quelle sera la loi applicable au contrat de travail et de valider la conformité à l'ordre public local. Le type de mobilité dépend donc en grande partie de la durée de la mission, du pays de destination (UE ou hors UE) et de la stratégie de l'entreprise.
Sécuriser la situation juridique et sociale du salarié
Avant tout envoi à l'international, l'employeur doit s'assurer de la conformité de la situation du salarié. Cela passe par la vérification de la situation du salarié au regard des règles d'immigration du pays d'accueil, des obligations déclaratives (formulaire A1, déclaration de détachement, demandes d'agrément...), la rédaction d'un avenant au contrat national ou d'un contrat local clair, le rattachement du salarié aux caisses et organismes de protection sociale compétents ou à un régime d'assurance volontaire (par exemple : Caisse des Français de l'Etranger, ou assurance privée), ou encore l'information du salarié sur sa protection sociale, sa couverture santé, sa retraite et sa fiscalité, ou sur le pays d'accueil... par ailleurs, depuis le 1er novembre 2023, l'employeur doit remettre un certain nombre d'informations obligatoires à tout salarié qu'il enverrait à l'étranger plus de 4 semaines consécutives (UE ou hors UE).
Une étude attentive des éventuelles conventions bilatérales existantes est également indispensable d'autant que des mécanismes d'exonération peuvent parfois permettre d'optimiser la situation. Le recours à un spécialiste de ces questions est souvent nécessaire pour sécuriser l'opération, notamment en dehors de l'Union européenne, où les règles sont plus hétérogènes.
Un levier de développement à piloter stratégiquement
En règle générale la mise en oeuvre d'une politique de mobilité internationale implique réactivité et expertise des entreprises ou de leurs équipes RH qui devront anticiper :
- les sujets d'identification et de suivi des talents en mobilité,
- les coûts directs et indirects,
- la gestion des contrats de travail,
- les formalités et les situations migratoires,
- la fiscalité personnelle, devises, assurances,
- recueillir des informations et communiquer sur les normes locales et la situation sanitaire sécuritaire et économique du pays d'accueil,
- cadrer la sécurité informatique, la sécurité des salariés, la protection sociale, la gestion des rapatriements, la construction d'un package salarial,
- accompagner sur le management et maintien du lien en cas de détachement,
- gérer la question des équipements de travail, du logement voire gestion d'un déménagement en cas d'expatriation, de l'accompagnement de la famille du salarié...
Dans un projet de développement à l'international, il sera donc opportun de mettre en place une stratégie de mobilité en phase avec la stratégie globale de l'entreprise. Une politique de mobilité internationale bien construite et structurée, pourra devenir un véritable levier de développement économique : implantation de filiales, prospection de nouveaux marchés, transfert de compétences... De la même façon la mobilité peut constituer pour les PME et ETI un réel outil d'attractivité et de fidélisation des talents qui verront des perspectives d'évolution de leur carrière, de développement de leurs compétences ou encore des évolutions en phase avec leurs projets de vie.