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Made in France : la relocalisation est-elle possible ?

Publié par Véronique Méot le | Mis à jour le

Face à la pandémie, tout le monde en parle... La France serait trop dépendante de pays tiers et devrait rapatrier son industrie. Pour les entreprises qui se lancent dans l'aventure, la question semble néanmoins plus large et les défis à relever nombreux.

Bruno Le Maire l'a affirmé lors de la présentation du Plan de Relance le 3 septembre 2020 : "Relocaliser c'est possible". Le gouvernement a d'ailleurs manifesté sa volonté de soutenir les investissements. Pour rappel, le Plan de Relance consacrera d'ici 2022 un fonds de 400 M€ aux projets dans les territoires et 600 M€ aux entreprises issues des cinq secteurs identifiés comme étant stratégiques : la santé, les intrants critiques pour l'industrie (matières premières, métaux et alliages, etc.), l'électronique, l'agroalimentaire et les applications industrielles de la 5G. Ces aides suffiront-elles à réindustrialiser la France ? Pas sûr.

Un voeu pieu ?

"L'idée est bonne, note Anaïs Voy-Gillis, géographe et chercheur à l'Institut français de géopolitique. Mais relocaliser demande du temps et exige de requestionner la répartition de la valeur." Les interrogations semblent nombreuses.

"Si l'intérêt des consommateurs qui plébiscitent le made in France est réel, les risques de déception existent", estime Fabienne Delahaye, fondatrice du salon Made in France (MIF). Et d'argumenter : "Les raisons qui ont conduit les entreprises à délocaliser n'ont pas changé avec la crise sanitaire. En outre l'économie, financiarisée, donne la part belle aux actionnaires au détriment des investissements." Les industries ont expédié leur production en Asie dans le cadre de marchés matures... Avant de rapatrier les volumes, "il faut analyser la demande car sans une demande forte, l'opération serait vaine", renchérit Anaïs Voy-Gillis. Les entreprises doivent donc s'assurer de la constitution d'un portefeuille clients fiable.

Autre problème, l'état du parc industriel - vieillissant - et le retard pris par la France. "Je m'étonne que la relocalisation fasse partie d'un plan de relance à court terme car il s'agit d'un objectif à long terme. L'impact de cette politique, qui n'est pas encore mise en place, ne saurait déclencher un mouvement rapide au-delà de certaines activités ciblées (puisque dans certaines activités, considérées comme stratégiques par le gouvernement, le paracétamol par exemple, des projets concrets sont avancés)", remarque Vincent Vicard, économiste au Cepii, centre français d'étude et de recherche en économie internationale. Pour lui la question de la réindustrialisation est beaucoup plus large.

Pourquoi (ré) ancrer des activités de production sur le territoire ? Vincent Vicard avance trois éléments de réponse : " Un, l'emploi industriel, qui ne représente pas un gros vivier mais rémunère mieux que les services et a l'avantage d'être localisé dans des régions moins denses alors que les services ont vocation à se développer près des centres urbains. Deux, l'innovation qui est favorisée lorsqu'une ligne de production est installée à proximité de la R & D. Trois, la réduction du déficit commercial. La balance courante est quasi à l'équilibre (- 0,7 % en 2019) ce qui montre que la France souffre moins d'un défaut de compétitivité que de la perte des sites de production. Le déficit commercial étant compensé par les revenus que les investissements des entreprises françaises génèrent à l'étranger."

Témoignage

" Il est temps d'agir ...en relocalisant une partie de notre production en France "

Stéphane Bohbot, président d'Innov8

Spécialiste de l'accessoire de téléphone, Innov8 distribue un millier de références produites en Asie. " Les produits de grande consommation sont fabriqués en Chine, mais il est temps d'agir et de changer en relocalisant une partie de notre production en France " déclare Stéphane Bohbot, président d'Innov8. Au mois de septembre il a annoncé relocaliser la production de coque pour téléphone mobile, une première étape. " Nous avons dû repenser la chaîne de production et requalifier notre écosystème afin de pouvoir proposer un produit made in France, de qualité, compétitif, fabriqué en matériau 100 % recyclable et présenté dans un packaging écoresponsable " explique-t-il. La coque Muvit est certifiée Origine France Garantie. Plusieurs mois de travail ont été nécessaires pour définir un modèle économique viable. Ce tour de force a été rendu possible grâce à un partenariat avec une usine d'injection plastique basée dans le Val-de-Marne. " Nous avons investi dans la chaîne de production - au niveau des moules pour fabriquer les coques - de cette entreprise qui a su conserver son savoir-faire. Les coques sont ainsi produites et testées sur place. La réalisation du packaging a été confiée à un autre partenaire en France" précise-t-il. Cette nouvelle stratégie permet à Innov8 d'être plus flexible. Dans ce secteur, les modèles de téléphone sont renouvelés fréquemment. " Nos clients ont besoin que nous soyons réactifs " indique Stéphane Bohbot. Et l'entrepreneur de citer le soutien de l'opérateur Orange, qui se félicite-t-il, " a choisi nos produits pour remplacer ses coques transparentes ".

Son ambition ? Face à l'urgence climatique, transformer les produits en associant l'innovation à une consommation durable. Et un engagement : fabriquer 100 % d'accessoires éco responsables à l'horizon 2022 !

Innov8

Fabricant et distributeur d'accessoires pour produits high-tech
Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
Stéphane Bohbot, président, 46 ans
SAS, Création en 2011
200 collaborateurs
CA 2020 : 300 M €

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