Travail : ce que les Français veulent... et rejettent
Publié par Linda Labidi le - mis à jour à
Ils veulent du sens, mais rêvent de faire le pont. Ils espèrent un meilleur salaire, mais acceptent de gagner moins pour apprendre. Ils veulent de la reconnaissance, mais fuient les open spaces. En 2025, la relation des Français au travail ressemble à une déclaration d'amour compliquée. Décryptage d'un paradoxe qui doit alerter tous les dirigeants.
« Je t'aime, moi non plus » : cette formule pourrait résumer l'état d'esprit d'un grand nombre de salariés français. Une étude menée par Indeed, plateforme de référence du recrutement, en partenariat avec plusieurs instituts, révèle une relation ambivalente, parfois incohérente, entre les Français et leur emploi. Si vous êtes entrepreneur, patron de PME ou startuppeur, vous devez absolument comprendre ce cocktail d'aspirations contradictoires pour attirer et fidéliser les bons profils.
Ils veulent tout... sauf qu'on leur impose quoi que ce soit
Commençons par les évidences : les Français veulent plus de liberté, plus de reconnaissance, et moins de bullshit. Ils sont 67 % à souhaiter la semaine de 4 jours, quitte à rallonger leurs journées. Mais en parallèle, 39 % se sentent obligés de rester tard pour montrer leur engagement, et 24 % lisent encore leurs mails pendant les vacances.
Autonomie rêvée, pression ressentie : voilà le premier paradoxe à intégrer. Le présentéisme reste un code implicite, même chez les plus jeunes générations. À vous, dirigeants, de clarifier les règles du jeu. Flexibilité ne rime pas avec désengagement. Il faut le dire, et surtout, le montrer.
Le fantasme de la perle rare vs. le rejet du système
Du côté des recruteurs, 71 % peinent à « dénicher la perle rare ». Mais du côté des candidats, 79 % estiment que leurs candidatures tombent dans le vide. Deux mondes qui ne se parlent plus, mais qui se jugent mutuellement.
Pire : 65 % des candidats trouvent les process de recrutement dévalorisants. Résultat ? Ils boudent les offres, ou n'y croient plus. Pour un entrepreneur en croissance, c'est un signal fort : il ne suffit pas d'avoir une offre de job, encore faut-il soigner l'expérience candidat. L'époque où l'on pensait « un CDI, ça suffit à convaincre » est révolue.
Le diplôme dégringole, les compétences montent
Bonne nouvelle : 53 % des recruteurs sont prêts à embaucher sans diplôme si l'expérience suit. Le « skills-first hiring » devient la norme. Tant mieux. Mais attention : 83 % des recruteurs admettent encore rechercher un "profil idéal". Autrement dit, ils veulent des gens sortis du moule... tout en prônant l'ouverture. Là encore, le paradoxe guette.
Solution : tester, former, parier. Les profils atypiques ont soif d'opportunités. Et 58 % des candidats seraient même prêts à sacrifier une partie de leur salaire pour développer leurs compétences. À bon entendeur.
Salaires, silence radio et syndrome du bon élève
En matière de rémunération, les Français sont pudiques. 31 % n'évoquent pas franchement le sujet, même en couple. Et lors des entretiens, seul un tiers ose annoncer clairement ses prétentions. Pourtant, 16,9 % d'augmentation sont espérés lors d'un changement d'entreprise. Le tabou persiste, mais les attentes sont là. Mieux vaut donc jouer carte sur table.
Autre constat : pour « faire bonne figure », 54 % des salariés comptent sur les événements internes pour se faire remarquer. Oui, le bon élève existe encore dans l'entreprise. Il fait des heures sup', va aux afterworks, soigne son image. À vous, dirigeants, de ne pas récompenser uniquement ceux qui brillent à la lumière. Le fond compte autant que la forme.
Amour, amitié et absences programmées
Le travail, ce n'est plus qu'une affaire de tâches. 6 salariés sur 10 ont un "work bestie" - un collègue devenu ami. Et pour 30 %, l'entreprise a même été le théâtre d'une relation amoureuse. Le lien affectif est réel, puissant, engageant.
En parallèle, 34 % des salariés songent sérieusement à faire une pause longue (sabbatique, congé sans solde), pour voyager ou réaliser un projet personnel. Pourquoi ? Parce qu'ils ne croient plus à la retraite comme horizon de vie. Ils veulent vivre maintenant, pas dans 30 ans.
À vous, chefs d'entreprise, d'intégrer cette aspiration dans vos politiques RH. Le temps long, la fidélité à l'entreprise, ne s'achètent plus. Ils se négocient, au prix d'une flexibilité sincère.
Le signal fort que vous ne devez pas ignorer
En 2025, un quart des Français envisage encore de quitter leur poste. C'est mieux qu'en 2022 (où ils étaient 40 %), mais cela reste un chiffre énorme. La peur, les contraintes ou le confort les retiennent. Pour combien de temps ?
Surtout quand on sait que seuls 26 % se disent véritablement épanouis dans leur job. Et que 59 % vivent du stress au travail, souvent ou très souvent. Le lien entre bien-être et performance n'est plus à démontrer.
Ce que doivent retenir les dirigeants :
- Ne jugez pas trop vite les paradoxes : ils traduisent une quête de sens, pas de l'inconstance.
- Le diplôme ne suffit plus : ce sont les compétences, la motivation et l'adaptabilité qui comptent.
- Les bons profils veulent progresser, pas stagner. Même pour moins cher.
- Si vous ne donnez pas d'espace personnel, ils le prendront ailleurs (et peut-être chez un concurrent).
- Les codes ont changé : transparence, agilité, et considération humaine sont les nouveaux marqueurs d'attractivité.
Le monde du travail évolue. Vos pratiques de management aussi ? Il est temps de faire le tri entre les habitudes héritées du XXe siècle et les réalités du XXIe. Car les talents ne veulent plus « juste bosser ». Ils veulent vibrer. Ou partir.